D'un qui part à un qui reste, ils sont
ensemble encore, les rameurs et puis tout vole et en éclats, les rires et les
jeux, sur la route tout au loin, au loin, à la confiance, au mal caché, la tournure
est imprécise, un reflet au coin de l’œil, il y a, ils sont en place, et dans
la rupture au jour dit, la façon
est précise, la manière et le tremblement,
à l’aise et à dire, tient, à faire et voilà, ils sont, ils sont et tout se
réclame, de la vie, des yeux, des mains, des bras, tout est un peu tordu, tout
courbe et tout incline au tremblement, à la déraison, l’unisson est fragile et
l’accord hésite, ils sont ensemble
et tout frotte quand même, la raison,
le tout, une évidence, les mots, sans affaires et sans bagages, les sacs se
portent lourds, le tout encore organisé, le temps, le marais, les oiseaux au
bord des routes, une fragile et inquiète fusion, un bras court, une jambe, tout
tourne et tout glisse au temps
compté, aux vides à combler, on
égratigne, on arrache, la peau vole et les oreilles longuement tintent, un
avenir encore, des envolées lointaines, tout change et ils demeurent les
enfants qui tournent, tournent, sur le chemin d’un caillou à l’autre, ils
pensent rester au même lieu, à une branche,
ils se posent et d’une pierre à
l’autre, la place est ouverte, la chambre est ouverte, le reste est pour
toujours, et toujours dire, et toujours taire le jamais qui demeure, la vie de
portes en portes, les mains au fond du cœur, la route sous les branches, les cannes
et les bourdons ce tout, enclenchent,
les rêves passent, les endroits se remplissent
et ordonnent, en avant, en dedans, les yeux ouverts, la vie est calme, il faut
du souffle et de la force du temps, tout compte, du rire, tout efface, des
pieds et des cailloux, de la présence, le bord est habité, les oiseaux glissent,
au fond de l’eau, le miroir
bouge, une confession, une inspiration,
le souffle doit courir, la main doit attraper, les coffres sont remplis et le
destin promet de l’aube, du vent, du souffle à retenir, des heures à lisser,
des tempes et une vie à franchir, ils sont encore et ensemble et parfois, loin,
la vie, le vent, le souffle, les saisons
avancent, tout est rumeur et bientôt
tout sera au tremblement, à la vie en évidence, à la confiance et tout, au plus
grand, au plus haut, au loin, bien près, les rameurs se préparent et le voyage
commencera, un émotion encore et tout respire, ils sont encore ensemble, à leur
voyage, la terre, l’onde,
le feu, ils soufflent et approchent du
chemin les animaux lentement, petit troupeau parfois en voyage, en courant au
loin, en tenant de près, il faut, il faut, avancer et tenir les rêves, les
idées, la vie en bienfait, en avance, il y a, ils sont au jour premier, à
l’instant qui révèle, en haut, en haut vers tout,
qui vient.
23 Août 2014.
Penché contre un grand fleuve, infiniment mes rames
RépondreSupprimerM’arrachent à regret aux riants environs;
Âme aux pesantes mains, pleines des avirons,
Il faut que le ciel cède au glas des lentes lames.
Le coeur dur, l’oeil distrait des beautés que je bats,
Laissant autour de moi mûrir des cercles d’onde,
Je veux à larges coups rompre l’illustre monde
De feuilles et de feu que je chante tout bas.
Arbres sur qui je passe, ample et naïve moire,
Eau de ramages peinte, et paix de l’accompli,
Déchire-les, ma barque, impose-leur un pli
Qui coure du grand calme abolir la mémoire.
Jamais, charmes du jour, jamais vos grâces n’ont
Tant souffert d’un rebelle essayant sa défense:
Mais, comme les soleils m’ont tiré de l’enfance,
Je remonte à la source où cesse même un nom.
En vain, toute la nymphe énorme et continue
Empêche de bras purs mes membres harassés;
Je romprai lentement mille liens glacés
Et les barbes d’argent de sa puissance nue.
Ce bruit secret des eaux, ce fleuve étrangement
Place mes jours dorés sous un bandeau de soie;
Rien plus aveuglément n’use l’antique joie
Qu’un bruit de fuite égale et de nul changement.
Sous les ponts annelés, l’eau profonde me porte,
Voûtes pleines de vent, de murmure et de nuit,
Ils courent sur un front qu’ils écrasent d’ennui,
Mais dont l’os orgueilleux est plus dur que leur porte.
Leur nuit passe longtemps. L’âme baisse sous eux
Ses sensibles soleils et ses promptes paupières,
Quand, par le mouvement qui me revêt de pierres,
Je m’enfonce au mépris de tant d’azur oiseux.
Paul Valéry (Charmes)