Il
chante sur le roseau, il conte aux cœurs amis la joie et son absence,
il se défigure de silence, il détonne sous les nuages, il chante pour
eux tous, il siffle sa lucidité, il est frémissant et sauvage et sirène
et babillage. Il a perdu à son larynx le reste de la nuance, le dire, le
faire, la tendre volonté, le grain poli, l’âme lavée.
Le
front tendu d’ignorance et de calme, il empile un son plus tous les
autres et sa colonne monte haut, trop, si haut, il est fidèle et
torturé, il est engorgé et candide, il sème partout sa déraison
solitaire, son charme absolu, sa vigueur, son impatience, il file les
perles une après l’autre, elles sortent de la tête du crapaud, des
grenouilles.
Ils
se sont croisés sous la lune, dans le recoin au bord de l’eau, quand le
ciel plonge dans les nuages, quand tout est content, tout se tient,
tout nage et frémit et se cambre, il est une décision sûre, une
ingratitude, une aspiration, il se mélange, il siffle fort, il est
tendu, d’un son aigu à l’autre, un arbre, du poids de vent sur l’horizon
de
plumes en cadence, de l’espoir, du sel, du tact et de la fantaisie, il
est parti, il reviendra, il passe et repasse, le temps est court, le
temps est long, il est une merveille à dire, chaque pas le rapproche de
l’histoire, le calme, le réconforte, il sort à peine, il rentre vite, il
est tendu et il fuit les ténèbres, il est divers et il se varie, quand
même,
les
oiseaux vont tomber du nid, il en ramasse, il les dépose sur une
feuille, un bord de toit, un pan de mur, le tour est bienvenu, il faut
trouer sa voix et chanter dans le vide, l’oiseau s’envole, il est sauvé,
il fuit les ténèbres, il reviendra, il reviendra, il a fait naitre des
papillons, il a vu des choses étranges, des chiens errants, des enfants
perdus,
du
temps passé et il n’a rien fait, il n’a rien pris, il martèle, il se
blesse aux ronces, aux cailloux, il améliore son passage, il est
frémissant et tendu, il contait aux autres son cœur, son absence, des
retours, des fuites, de la recherche, du carnage, il est en
résurrection, il est tendu et frémissant, il épuise son souffle, son
pas, ses muscles,
il
cherche, il trouvera peut être avant le tard, avant le rien, avant le
vide, il est parfois vain et léger, il est tendu et frémissant, il ne
fait rien de bon, il améliore son rythme, sa pensée, ses doigts perdus
dans les broussailles, ses pieds griffés aux ronces, mures sauvages vous
passez, vous passerez, vous poserez une tache noire sur l’ongle,
sur
la langue, les dents, il chante comme un enfant malade pour se joindre
aux âmes égarées, aux terreurs oubliées, sa déraison est solitaire, il
se cherche et il suit le temps, le chemin sec dans les roseaux, il est
tendu et frémissant, il est obstiné, il se livre, il a rendu son
tablier, son temps, ses graines, il transporte au cœur les oiseaux,
il
imite, il siffle, il souffle, il est perdu et sans raison, il en
porterai une tunique de poison et de feu, centaure immolé, il chante
comme les oiseaux, il est venu, il est cambré, il est tendu et
frémissant, comme un oiseau il chante, il est fourbu et il hoquète :
finissons la phrase dans le souffle avant que le ventre posé ne saisisse
le dernier râle,
les
oiseaux chantent sans air, sans souffle et lui cheval humain, il est
fourbu il ploierai presque sous son fardeau, il est nu dans les roseaux,
il a arraché la tunique, il est perdu, tendu, frémissant, Nessus,
Nessus tu redeviens ou homme ou cheval jamais oiseau, jamais oiseau, le
poison mord tes flancs, tu es battu, tu es perdant,
les
oiseaux se concertent, tu passes sous les roseaux, tu cherches l’ombre
fraîche.
RépondreSupprimer"A la main : du roseau, à son cœur : la joie et le silence. Les nuages tombent sur terre. Il reste le langage : grains de pierres à l’âme, et il arrive nu."
Michel Chalandon 13 février 2011
https://www.youtube.com/watch?v=6LZvcFDI-p4
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=Rw1We4Plsjk