lundi 10 décembre 2018

Il est en retard, je suis en avance. I

I

Je suis parti au loin, j’ai couru sur le chemin, j’ai marché, je suis revenu, une jambe éclatée sur un rocher, le sol se dérobe, j’ai couru les chemins, j’ai marché, j’attends, je soupire, il m’ennuie celui que j’attends. Je suis revenu, perdu de soif et de déraison, de rires contenus, rien n’en sort, rien ne vient, où est-il, la jambe, la jambe au rocher me fait mal.

Les images accumulées, ses images perdues, j’en suis saisi, j’en suis perdu, dans les tourments, dans l’ennui, la fin de l’été est proche, sa trace avance, je suis perdu et je ne sais rire, ni chanter, je ne donne, je ne prends, je ne pousse pas la porte, il y a une certitude, le désir est essoufflé, il n’y a plus rien qui chante, les oiseaux, une obsession, ils passent dans l’air, sous les arbres, ils filent droit, tournent et recommencent, et j’en suis content, rien n’avance, rien ne vient, il faut sortir, il faut repartir, je n’ai plus assez de murs pour toutes ces images, il faut brûler ou donner.

Le désir est dans le souffle, il faut bouger. Où est-il celui que j’attends, il est sur le chemin, perdu, ébloui, je l’attends, son absence essouffle ma déraison, il y a un beau soleil, du temps encore, où est-il celui que j’attends, comme une chanson de porcelaine, j’étale des images sur tous les murs, je tire de l’eau à la fontaine, il est parti, il reviendra et aussi le sommeil. L’ennui m’a pris, le temps me prend. Je ne questionne pas ces questions, l’interrogation est une évidence, il avance sur le chemin, la jambe me fait mal, les soupirs me tuent, il manque un soleil dans mon jardin. Il serpente d’un rire à une rencontre et je compte les oiseaux au ciel, il y a une confusion, je l’attends et il ne se presse pas, il est en retard, je suis en avance, nous avançons et souvent, nous effleurons.

Martyre, esclave, chante et pleure, attend, c’est ton destin, l’ennui rend inutile, il viendra, il viendra, il y viendra, il en reviendra, il se tournera et même s’il crie, le tonnerre se calmera, la vie est ainsi. Il faut creuser, bâtir, construire, ou nettoyer, faire briller les trésors, étaler les images. Je suis parti au loin, j’ai couru sur le chemin, j’ai marché, je suis revenu, la jambe éclatée au rocher du chemin, je pleure un peu, d’ennui et de doute, mais il viendra, il viendra.

Allons, allons, je le sais, je suis esclave et je règne par ma servitude*.

5 Août 2008.

*Souvenir des mots de Pietro Metastasio et de la tonique mélancolie de Giambattista Pergolesi.


1 commentaire:



  1. Il a mal à sa jambe éclatée. Il a mal à sa vie d'assoiffé. Il a mal dans ce monde dérobé.

    Le soleil est perdu sur le chemin entre la patience et l'attente. Le soleil manque dans le jardin pour caresser les écorces et les peaux qui s'effleurent sans vraiment se toucher ni se rencontrer.

    À force d’abandon et de renoncement, de peur et d’effroi, il n'est plus qu’une secousse incontrôlée prêt à s’oublier … demain il renaîtra.

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