samedi 8 décembre 2018

Ils sont posés. Ils ont posé. Ils sont rois. II

Ils ont posé

Pour entendre le vent dans les branches, pour sentir l’eau couler sur le menton, pour retenir la joie et se gonfler d’espérance, il faut aussi poser le pied sur une pierre plate, en équilibre sur une ronde, et qui affleure à la surface.

Le pied en équilibre il tire un regard perdu, les mains crispées sur le tissu sec qui séchera, qui doit sécher, pourvu qu’il ne se mouille, pour vu que le soleil réconforte le roi maladroit qui est posé sur les marches de pierre affleurant toutes sous l’eau fraîche. Il est passé, il est passé, il a avancé sur le sentier de la gloire sur la passe aux eaux qui tremblent, les pierres, une touche l’autre, posées ici depuis toujours, depuis mille ans que les hommes passent, ils encombrent le ruisseau de pierres plates posées sur des pierres rondes pour y passer, pour y passer, pour franchir en majesté le ruisseau clair, le ruisseau frais, le corps serré sur les tissus qui sécheront qui doivent sécher et ne pas tomber.

Le sol est pavé pour le triomphe, ils passent sur les pierres plates, ils glissent le pied, pour un baptême à rebours, à reculons, ils vont au ciel, ils foulent sur les pierres plates les éclats de gouttes qui volent, qui partent et retombent depuis mille ans, depuis toujours et pour longtemps, les gouttes d’eau volent aux airs et couronnent le pied qui penche, il hésite et recommence et franchit la passe en riant il a sauvé son équipage, le drap, les souliers, tout est sec, la victoire est certaine, un roi puis l’autre, ils sont passés et ils avancent au ciel en reculant en reculant, la tête dans les nuages, les pieds mouillés les pieds mouillés, le serpent glisse sur l’eau, il se retire et part au loin, la tête dans les nuages, le cœur perdu dans l’air, la main serrée sur la poitrine, serre à son cœur le manteau du commandement, ces rois sont en ambassade, ils faut interroger le temps, interroger la vie et rendre un avis éclairé par l’oracle des gouttes d’eau qui vibrent sur les cailloux. La tête est précisément couronnée, de nuages et d’eau en gouttes éclatées qui se posent dans l’air depuis mille ans, depuis toujours.

Ils entendent le vent dans les branches, sentent l’eau couler sur le menton, retiennent la joie et se gonflent d’espérance, ils ont posé le pied sur une pierre plate, en équilibre sur une ronde, et qui affleure à la surface.

4 Août 2008.

1 commentaire:

  1. Ils avancent, ils avancent et approchent, et accueillent l’homme, leur frère dans son humble condition. Ce fils de roi, ce fils aimé, condamné à la gloire.

    Un texte superbe où tout est beau, et ceci sublime : "La tête est précisément couronnée, de nuages et d’eau en gouttes éclatées qui se posent dans l’air depuis mille ans, depuis toujours."


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