dimanche 22 avril 2018

Les sauvages.

La fragilité est au début de ce royaume, il faut proclamer le monde comme si on était roi d’autre que soi-même. Il faut plonger dans l’eau vive et voir un poisson, énorme aux yeux de l’enfance, il remonte le courant et file dans l’eau, elle est fraîche et vive, dans l’image elle est fade, le jade a viré céladon et la fraîcheur a fuit en gris de tourterelle. Il est doux ce souvenir, pourtant il était triste le petit qui courait dans l’eau derrière ce poisson. Une chanson comme de porcelaine a fuit, le repos sonne dans une étendue de coquelicots.

Ils courent vers leur perte et la branche où se pendent les barbares est sable et sciure depuis longtemps. Ils ont couru et longtemps ces petits derrière ce poisson dans la rivière, ils courent encore et longtemps sans que vent, ni pluie, ni neige, ni cailloux arrêtent ce cortège. L’enfance court après ce poisson, il faut terrasser les dragons, il faut des héros purs et fiers, heureux de vivre et de mourir pour enfoncer encore dans le cœur des passants les épines saisies aux mâchoires. Le poisson monte le courant et il grossit dans la mémoire, les enfants courent les pieds dans l’eau et dans le sable, ils vont et affolent. Les cailloux volent et se choquent dans l’eau et tombent sur la tête une blessure saigne, et meurt, la confiance a frappé et se meurt d’effroi et d’hébétude. Le bras était armé et sous le cheveu coule une ligne de rouge pur. Au bout du fil, il y a aussi un poisson, traîné vers la surface il souffle comme un dauphin de fontaine. La vie est là dans le poisson et dans la fente qui coule sur la tête, il n’y a plus de certitude, trahi par un bras adoré. Montant à la surface la prise claque le fil et tout se perd, confiance et renouveau, il faut attendre et regarder pendant longtemps, les poissons tournent et reviennent et s’ils ne sont saisis, ils sont là, présents et intouchables, rien ne les tient et tout en fait usage. La vie est tendue aux fils de soie qui tirent le trésor et donnent une envie de carnage. La vérité est autre et rien n’est perdu, les enfants sont heureux et courent les pieds dans l’eau après des monstres, les bras aimés saisissent des cailloux et frappent les enfants pas trop sages, ils ne sortent pas de l’eau et pourtant s’en vient l’orage. Que faut il faire et que faut il dire, les enfants courent et trempent dans l’eau des bâtons et des cailloux, les bras chéris lancent des pierres, elles mordent la chair sur le haut de la petite tête et le sang coule. Il faut du pardon et de l’oubli, les poissons filent dans l’eau qui était fraîche et vive, le souvenir en fait un pastel écrasé et plat, le jade devient céladon et opaline, les enfants courent encore et la mémoire balbutie, le poisson monte, le courant est doux, les enfants sont bredouilles, le bras aimé est retombé, le caillou a touché et le sang coule. Dans l’eau, personne ne croit à cette fable, le poisson est tiré par le fil de soie, il crève la surface et jette l’eau comme les dauphins des fontaines.

Les sauvages entrent dans l’histoire.

26 Octobre 2005.

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