lundi 23 mai 2016

Le diseur dit.

Si la montagne ne vient pas, si la beauté ne coule pas, la faute est-elle du diseur, du revenant planté sur ses jambes, griffé de ronces et de cailloux, perdu de soleil et d’intransigeance, des pierres aux mots, des mots compliqués et changeants, inutiles, saison, raison, vertu, effort, toujours, entre la sensation et le remords, la morale sur les épaules et le temps long, bien long, si long, jamais trop.

Si l’on se pousse, il sera court et perdu, si la montagne ne vient pas, il reste l’accumulation, le tas, les tas, la fatigue, les alarmes et juste après les choses vaines, vaines, il y a toujours une histoire accrochée à une autre, le diseur est perdu, il en est à nommer, il en est à se dire pour l’inutile, pour remplir le vide, pour attendre sans fin et sans relâche, tout finit et tout partira, il est en attente 

et il est perdu dans le ciel, les oiseaux, les oiseaux se pressent, ils sont au fil, au fil du jour, un instant après l’autre, d’une idée à une autre, avec un fil, un fil et des oiseaux posés, ils attendent, l’air est calme, la saison fraîchit, il est en attente de dire, il est en attente, il franchit un pas après l’autre, des chemins, des chemins droits et longs, rien ne monte, la montagne, la beauté ne viennent, 

ne coulent pas, il dit sur ses doigts, sur son cœur, le calme et la fraîcheur, l’insécurité dans la permanence, il vient, il va, il est posé sur le toit, le monde tourne autour, bien calme et frais et long, si long, il est inutile et pauvre, une parole sur l’autre, un pas sur le chemin, les chemins sont longs et droits, il cherche et trouve la solution, les clefs explosent dans la main, sur le cœur, la main, le cœur, 

la suite, il pose un pied après l’autre, un après un, tout est détaché, rien, rien n’est intact, ils ont éclaté sur le drap, le lit défait, la bouche amère, le temps passe, le temps passe, il faut toujours un ressort, une relance, la clef pour tourner la boîte à musique, il faut envoyer le rire, il faut envoyer l’espoir, la montagne viendra. Il faut défiler et détordre l’instant, un après l’autre, sur le drap, sur le ciel défait 

et en attente, ils reviendront, ils partiront, ils seront unis dans la lumière et pourtant mornes, fatigués ou tristes et il compte sur la joie, sur les refrains, le frémissement vain, vain, et si présent, la vie palpitante, le mot au bord, sur le toit, sur les lèvres, il est plein d’air et de cailloux et d’égratignures, la montagne se refuse, la vie coule et le passant passe sans arrêt, sans repos, la fatigue 

de la tristesse, de l’oubli, de l’oubli d’où s’en tenir pour le comprendre, pour racler du pied l’herbe toujours verte, et verte et sèche, la couleur est figée, le temps est calme et morne et souverain, il dit, il dit, il se frotte les mains au cœur, il ferme une image sur une autre, sans raison : ô saisons, chateaux, voyages, le souffle est suspendu, le panier est rempli, la vie coule et les doigts n’en retiennent 

ni rien, ni mal, un peu de mélancolie, de fatigue, sans alarmes les héros dorment sous leurs palmes, ils chanteront plus tard, ils brilleront plus tard, la comédie meurt dans une heure de repos, dans un fatras de draps froissés, ils se comprennent, ils se retiennent, ils accélèrent, le calme flotte dans le repos, et tout irait plus vite si le soleil le chantait, si les paroles n’étaient pas vides, on dirait,

on dirait la liberté, on dirait la construction, on dirait la conquête, on dirait la perte, on dirait : je souffre, ne meurs pas, on irait voir sous les cailloux, pierres plates abandonnées, les disparus sont sous ces pierres, ils filent dans le petit jour, petit et maigre, élan suspendu : le temps est ralenti, à l’envers sans endroit, ni secret à confier, un instant après l’autre, une décision avant une autre, ces combattants 

vont avancer et sur l’instant ils recueillent des larmes enfantines, des émotions simples et lentes, si lentes, ils n’avanceront pas encore, ils resteront perdus et assoiffés devant la montagne : es-tu venu, as-tu entendu, sur le chemin les oiseaux passent, les nuages enlacent la vie et les moments, le temps et le bonheur, il fait encore un beau mélange, il se saisit, il se raisonne de pauvreté et de peur,

et de peur, absurdement liées. La vie est continue, le souffle est retenu, le silence enseigne toutes les choses, le monde perdu, la raison sans raison, pourquoi. Il faut se perdre et tout perdre, tout disperser, tout laver pour connaître et commencer, commencer, enfin, en fin, en début. En principe, il y aurait la parole, le temps perdu, le temps venu, un mot pour un autre, une obsession, le, le, le diseur dit, 

le, parleur parle, les doigts accrochent l’essentiel, la montagne ne vient pas, on traîne sur terre dans le plat, dans la parole évidée, sa chair est mourante, les draps défaits, ils ont explosé, ils ont gravi la montagne refusée, le paradis absent, la peur toujours présente. Un dire, un redire, un mot, un autre, des paroles inutiles, la beauté passe au loin, le souffle ralentit, il aurait pu dire plus vite, plus vite, 

plus vite, en haut, en bas, tout monte, tout descend, la figure est noyée dans l’air du ciel, dans l’image, la montagne est abandonnée, le clair soleil, les ombres sages, il faut, il faut, il y sera au retour, le vent lui manque, la vie est perdue, il s’attend, il faut, il faut, il y sera au retour, la vie lui manque, le vent est perdu. Il a marché dans la poussière, dans la poussière, il a pleuré, pleuré, pour des enfants.   
                                                            
12 Août 2010.

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