mardi 13 mars 2018

Ce petit sein.

Il oublie à force d'y croire les visages et les voix, sa liberté est en désespérance et le chantier avance dans le trouble et la contradiction. Sa marche se transforme en fuite, sa vitalité emporte un champ de blé vers le néant. Il conte des horreurs, la soif du mal est incertaine, l'odeur du violon dément la fin du sabbat. Il rêve une histoire de corde et de sac, dans l'aboiement des chiens qui passent. Il cherche et recherche et rien ne vient, ni plaisir, ni volupté, ni délices. La chaleur et l'oisiveté le bouleversent, les erreurs conjuguent sans espoir le dire et le faire, sa volonté est sans forme et le soleil pourtant fleurit. Il veut chanter pour un monde d'uniques et de récalcitrants qui dansent dans le soir et ne l'écoutent pas. La vie le dévergonde, le jour n'est plus aussi joyeux. Il dit ses histoires, l’effort est grand, la branche où il sommeille est flageolante et les oiseaux s'égarent dans le ciel trop lointain et si bleu.

Les voix des bâtisseurs recouvrent les coups de marteau sur la poutre, ils se déshabillent et montrent à tous sous leur cou de savane, des perles noires sur le torse, des aspérités de bienfait. Le poil sent le parfum des cailloux, cette vibration n'atteint pas les années, elle s'envole et le pécheur rentre dans sa cabane au bord du gouffre, dans le réduit où il dit tout. Il masque le plaisir derrière l'harmonie d'un satin brun et ressuscite une histoire de baiser. Le poil sur le torse se déploie autour d'un sein à peine éclot, ce muscle n'a pas beaucoup servi.

La vision d'un fugitif l'ébouriffe, il dort sans peur dans l'été chaud, il se prélasse et défait dans l'amertume d'un sourire, les aventures à venir. Le grain de sa peau a la fraîcheur d'une cascade sombre. Grelot de peau sur un faible fil, le bonheur s’enfuit, il décroise ses jambes dures en éclosion de fleurs en bouquets. Il dérange l'escalier, et tire une pervenche de sa nuit. Il tourne sur la route et voit venir une baguette de sucre rose glacée dans le sac de la nuit. Rien ni personne ne remarque la fraîcheur vive entre ses dents, il se gorge du rose pale de la vertu.

Bien venu au bal des sacrifices il part, sa rêverie dévisage sur la planche une rangée de mal assis. Il étire une jambe et l'autre et son petit sein n'offre aucune prise aux gouttes d'eau qui tombent sur le sable et la poussière dans le soir. Sa vêture cache et révèle au passant une aventure toute proche, la confiance dans cet ange accroche une impression de joie, il repousse une mèche de cheveux. Il se tourne et hurle dans le soir, des affreux se démènent et le domptent il donne au monde sa menace :

« n'approchez pas je suis perdu, perdu »

et démon sur la grande nappe d'air qui fraîchit peu à peu, et commande une évasion vers la lumière. Dans l'illusion du martyre il se retrouve dans la vie sur la scène du monde intérieur de celui qui fuit sa volonté et son envie, son regard doux et sa bouche sans sourire pincent l'ennui et le vent et démontent son allure, elle vient mourir en éclats la lumière. Sa poitrine frissonne, une amertume le fige, il repousse à sa ceinture une bande de corps plus claire.

Dans l'ombre et dans la brume il se retire de la vie. Dormir, rêver, se reprendre et dire toujours la vérité et ses apprêts. Il est une heure de délice qui n'a jamais commencé ni fini, ni joué, elle est la fierté du résistant qui passe loin de ce supplice et ne veut plus rien voir de cette belle apparence. Il est souple et indécis et passe loin des barricades, il ne mûrira pas ici ce petit sein, sous la pression du voyant qui se retire et meurt de loin vers le soleil.

15 Juillet 2005.

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