mercredi 8 novembre 2017

L’herbe sèche ...

L’herbe sèche et la fleur fane quand le vent souffle, vent de quelle éternité ?

Dans le jardin le mois de Mars sèche la terre. Le nez est pris, le poumon souffre, les frissons agitent le corps refroidi. Les doigts glacés s’agitent. Passe la terre au tamis et affine le sol, ne m’abandonne pas, la surface où tu marches doit être pleine d’air. La lourdeur est contraire au bleu des pensées qui s’envolent et retombent. Les galets empêchent cette poussière de s’envoler, les graines trop petites jouent. Ne m’oubliez pas, souvenez vous, ces fleurs sont bleues et verront peut-être le jour. Le froid envahit la poitrine, le buste se tord de quintes et de râles, les pensées se perdent sous le gravier. Les petits yeux s’ouvriront dans une année. Le miracle est possible, ces fleurs viendront si le jardinier protège le lieu de leur chute et de leur perte. Un drap claque comme un glaçon, il fait souffrir les mains de celui qui moissonne un champ sans valeur en céréales, les tournesols amuseront les oiseaux. Des éclats de verre remontent des profondeurs, des bouteilles intactes emprisonnent la lumière, des clous et des outils rouillent et blessent les bras et les jambes, une tulipe a blanchi sous un pot envahi d’escargots, il abrite aussi des grenouilles encore noires et grises. Les limaces ne bougent pas, les sauteuses sont figées, les pattes comme brisées et écartelées, entre deux morceaux de verre et un bout de lombric rose et blanc se tortille très lentement pour prouver que la vie est encore possible. Les œillets peut-être ne fleuriront jamais. Le visage est figé pour longtemps. Il souffle encore et pour un mois ce vent qui chaque année fait ployer les tulipes rouges et jaunes, en gerbe pour un guerrier mort dans un champ de laiterons. Le vent emporte le parfum des jacinthes et le mêle au terreau qui s’agitera de vermines, qui poussera les noyaux de cerises des repas de printemps, quand on mange des asperges et des radis, des fraises équeutées, en savourant un rayon de soleil sur une fleur rouge.

Le rêve se jette vers l’avenir en bouquets qui inondent le printemps et l’été. Le froid cogne les reins, le jardin s’obscurcit, le travail est avancé, le printemps est en place, les graines germeront. Beaucoup trop c’est certain, il faudra en jeter, gaspiller, tuer ce que l’on a fait naître, en offrir, disperser. Ce cœur de l’hiver rassemble l’avenir.

3 Mars 2004.

1 commentaire:

  1. beau texte cher Michel en ce jour 3 de mars 2004.

    avec vos mots là en écho :


    Herbe d’éternité, dans le jardin la terre souffre. Les doigts abandonnent l’air. Le bleu retombe. Poussière de graines joueuses. Souvenez-vous, le bleu, le jour, le froid sous le gravier. Les yeux ouverts, le miracle tué du jardinier. Tout est glacé, les mains coupent le blé, les fleurs ensorcellent les oiseaux.
    Transparente rumeur venue des profondeurs.
    La lumière à la porte, souffle la rouille emprisonnée. Les bras, les jambes tricotent l’instant fleuri de blanc, trace nacrée sur la terre fumée. Plus loin, carnage, tuerie rampante, grouillante, bouts de larves sous les pieds.
    Petit œillet, petit bleuet ton souffle frape sur l’oreiller, le vent d’antan plie les enfants, leurs joues fleuries, leurs cols blancs, et leurs chaussettes senteur d’humus. Leurs bouches rouges au goût de fraise quand le soleil les prend sans faim.
    Derrière le drap grandit le temps, jour de printemps, de source claire, de graines fécondes en abondance. Le trop, le bon, le partagé sur le pavé.

    Cœur en hiver, le froid prospère.


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