lundi 20 août 2018

Le son du fil perdu.


Parler sans y voir clair, sans rien entendre et désirer le sort, il surface la peau et griffe le serment. Les oreilles ouvertes et les yeux au fond des poches, et les dents sur la lèvre et le sel et le sucre et encore plus loin, ils sont tremblants et seuls et si près de l’abîme, du gouffre, des horreurs, des bateaux coulés et perdus et ils raclent le fond et soulèvent le sable et les algues et les pauvres noyés se tordent dans le flot. Le courant est amer, la vie est démontée, les cœurs abandonnés et le secours trop loin, la longue plainte installe et recommence et ils sont offensés sur le fond, les peureux.

Le souffle dans le nez, le sang coule sur terre, les ombres se perdent et les remords lancent sur la peau nue, le fil qui s’écoule entre les lèvres et touche le sol seul, le sol nu, sans honte, loin, bien loin de la vertu et des offrandes.

Entre deux eaux, entre deux rives, entre deux mondes, sur la clarté et sur la pénombre, les enfants vont par deux et grattent le chemin, l’avance est consommée, les talons sont usés et les mains sans épines sont frappées sur le sol pour écarter l’ennui.

Les ombres heureuses et les forces du haut et les bourgeons tendus, la sève suinte sur le chemin, se gonflent d’importance et de vie. Les paupières des grands, leur peau est enflée sur le dos de la main, les ruses sortent, le désir des enfants, les sillons de carême, la liberté, se penchent, le reproche est fort et les nuits sont sans oubli, sans marques et sans attente.

La vie est un cerceau, une fantaisie dans l’ombre et dans la manche, les graines tombent sur le sol et la nuit, la fleur bleue est posée au rebord de la fenêtre, la lèvre est construite et le désir est flou. Ils étaient dans l’eau entre deux forces, entre deux cours, entre deux mondes et la blancheur est morte et le noir envahit et gomme les défauts.

Entre deux bancs de sable et de cailloux, les algues ondulent dans le rêve, la chanson est si calme et si petits les regrets et les rires. Le fardeau atteint l’épaule et mord dans la chair et descend et force le sanglot. Il y va, il en vient et il retourne encore sur lui et sur le temps et défait une à une les boucles de la vie, il y avait un corps flottant dans l’eau entre deux sables et puis un rêve éveillé et souriant et perdu dans le sable et sur le bras, le poids de la tête qui pense et qui penche et défait et entrouvre et recommence. Il n’a plus ni rime ni raison et le poids de la tête écrase le sang dans le bras.

Il faut un effort fou, une raison de marbre, la volonté vers le plus haut, il faut finir cette chanson pour entendre le son du fil perdu sur le cours du sang dans le bras lourd et écrasé et cerné et tendu, fil dans le corps. Il enfle et reconstruit une infinie douceur et il palpite au loin et il chante sans cesse et recommence encore, la caresse est un va qui vient doucement.

La suite, le sanglot, le spasme, la déroute, le grain de sel sur la plume du passereau, le moulin tourne au fond des océans entre deux ailes et deux ombres, la vie s’écoule en satin blanc effrangé et tordu et repris sur le col. Le coup est franc, le grand est en émoi et refait sur le dos un passage vers le plus haut, une offrande pour la mémoire. Ils étaient sur le fil et se contemplaient dans le miroir tendu entre deux eaux, sous les branches. Il flotte sur la rive, il chante dans le vent, le grand souffle d’en haut, la croisade des ombres, le retour et l’oubli, la fracture se plisse et étale le drapeau sur la vie.

26 Février 2006.

1 commentaire:

  1. Parler de souffle entre deux eaux
    les ombres la vie entre deux bancs

    il faut le fou et sa raison
    le grain de sel en satin blanc

    contemplation
    chante le vent


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