Si
la montagne ne vient pas, si la beauté ne coule pas, la faute est-elle
du diseur, du revenant planté sur ses jambes, griffé de ronces et de
cailloux, perdu de soleil et d’intransigeance, des pierres aux mots, des
mots compliqués et changeants, inutiles, saison, raison, vertu, effort,
toujours, entre la sensation et le remords, la morale sur les épaules
et le temps long, bien long, si long, jamais trop.
Si
l’on se pousse, il sera court et perdu, si la montagne ne vient pas, il
reste l’accumulation, le tas, les tas, la fatigue, les alarmes et juste
après les choses vaines, vaines, il y a toujours une histoire accrochée
à une autre, le diseur est perdu, il en est à nommer, il en est à se
dire pour l’inutile, pour remplir le vide, pour attendre sans fin et
sans relâche, tout finit et tout partira, il est en attente
et
il est perdu dans le ciel, les oiseaux, les oiseaux se pressent, ils
sont au fil, au fil du jour, un instant après l’autre, d’une idée à une
autre, avec un fil, un fil et des oiseaux posés, ils attendent, l’air
est calme, la saison fraîchit, il est en attente de dire, il est en
attente, il franchit un pas après l’autre, des chemins, des chemins
droits et longs, rien ne monte, la montagne, la beauté ne viennent,
ne
coulent pas, il dit sur ses doigts, sur son cœur, le calme et la
fraîcheur, l’insécurité dans la permanence, il vient, il va, il est posé
sur le toit, le monde tourne autour, bien calme et frais et long, si
long, il est inutile et pauvre, une parole sur l’autre, un pas sur le
chemin, les chemins sont longs et droits, il cherche et trouve la
solution, les clefs explosent dans la main, sur le cœur, la main, le
cœur,
la
suite, il pose un pied après l’autre, un après un, tout est détaché,
rien, rien n’est intact, ils ont éclaté sur le drap, le lit défait, la
bouche amère, le temps passe, le temps passe, il faut toujours un
ressort, une relance, la clef pour tourner la boîte à musique, il faut
envoyer le rire, il faut envoyer l’espoir, la montagne viendra. Il faut
défiler et détordre l’instant, un après l’autre, sur le drap, sur le
ciel défait
et
en attente, ils reviendront, ils partiront, ils seront unis dans la
lumière et pourtant mornes, fatigués ou tristes et il compte sur la
joie, sur les refrains, le frémissement vain, vain, et si présent, la
vie palpitante, le mot au bord, sur le toit, sur les lèvres, il est
plein d’air et de cailloux et d’égratignures, la montagne se refuse, la
vie coule et le passant passe sans arrêt, sans repos, la fatigue
de
la tristesse, de l’oubli, de l’oubli d’où s’en tenir pour le
comprendre, pour racler du pied l’herbe toujours verte, et verte et
sèche, la couleur est figée, le temps est calme et morne et souverain,
il dit, il dit, il se frotte les mains au cœur, il ferme une image sur
une autre, sans raison : ô saisons, chateaux, voyages, le souffle est
suspendu, le panier est rempli, la vie coule et les doigts n’en
retiennent
ni
rien, ni mal, un peu de mélancolie, de fatigue, sans alarmes les héros
dorment sous leurs palmes, ils chanteront plus tard, ils brilleront plus
tard, la comédie meurt dans une heure de repos, dans un fatras de draps
froissés, ils se comprennent, ils se retiennent, ils accélèrent, le
calme flotte dans le repos, et tout irait plus vite si le soleil le
chantait, si les paroles n’étaient pas vides, on dirait,
on
dirait la liberté, on dirait la construction, on dirait la conquête, on
dirait la perte, on dirait : je souffre, ne meurs pas, on irait voir
sous les cailloux, pierres plates abandonnées, les disparus sont sous
ces pierres, ils filent dans le petit jour, petit et maigre, élan
suspendu : le temps est ralenti, à l’envers sans endroit, ni secret à
confier, un instant après l’autre, une décision avant une autre, ces
combattants
vont
avancer et sur l’instant ils recueillent des larmes enfantines, des
émotions simples et lentes, si lentes, ils n’avanceront pas encore, ils
resteront perdus et assoiffés devant la montagne : es-tu venu, as-tu
entendu, sur le chemin les oiseaux passent, les nuages enlacent la vie
et les moments, le temps et le bonheur, il fait encore un beau mélange,
il se saisit, il se raisonne de pauvreté et de peur,
et
de peur, absurdement liées. La vie est continue, le souffle est retenu,
le silence enseigne toutes les choses, le monde perdu, la raison sans
raison, pourquoi. Il faut se perdre et tout perdre, tout disperser, tout
laver pour connaître et commencer, commencer, enfin, en fin, en début.
En principe, il y aurait la parole, le temps perdu, le temps venu, un
mot pour un autre, une obsession, le, le, le diseur dit,
le,
parleur parle, les doigts accrochent l’essentiel, la montagne ne vient
pas, on traîne sur terre dans le plat, dans la parole évidée, sa chair
est mourante, les draps défaits, ils ont explosé, ils ont gravi la
montagne refusée, le paradis absent, la peur toujours présente. Un dire,
un redire, un mot, un autre, des paroles inutiles, la beauté passe au
loin, le souffle ralentit, il aurait pu dire plus vite, plus vite,
plus
vite, en haut, en bas, tout monte, tout descend, la figure est noyée
dans l’air du ciel, dans l’image, la montagne est abandonnée, le clair
soleil, les ombres sages, il faut, il faut, il y sera au retour, le vent
lui manque, la vie est perdue, il s’attend, il faut, il faut, il y sera
au retour, la vie lui manque, le vent est perdu. Il a marché dans la
poussière, dans la poussière, il a pleuré, pleuré, pour des enfants.
12 Août 2010.
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