mardi 12 septembre 2017

Sans titre, 21 Juillet 2003.


Pour quitter cette clôture, il faut prendre le chemin. Pour quitter cette grange, il faut monter, il faut descendre. Pour quitter ce lieu de paille et de jachère, il faut le feu et ses tourments. Rien ne vit ni chante, le rire défait à l’aurore une longue nuit. Il pleut, je ris seul, comme je me change, dans l’ombre bleue de la sueur et du santal.


Il pleut, le vent décroche le linge étendu, il pleure sur le marais qui chauffe fort, qui chauffe au loin. Vieux cheval, vieux sentier, clair matin, la ressemblance et les ombres se déplacent, pour toujours tissent un souvenir de braises chaudes, de corps calcinés sur l’étang, que personne n’a vu mourir du rivage.

Que tout dise et se ramasse, les carpes sèches, le blé et les cailloux, les pirouettes en sabots. Que revivent les enfants noyés à la pêche aux anguilles, que revivent les gens surpris sous les ombrages, ils s’étreignaient comme des escargots et lissaient leur bave fil à fil. Dans la poussière au soleil, un rond de lumière nimbe tout et même le plus sale.

Jusqu’où chantent les hirondelles, aubades au jour venu, les moutons rouges et noirs, les enfants bougent sur le sable. Tous tombent doucement d’un haut mal qui les égare. Tout s’enfonce pour longtemps dans mes épaules et mes os. Je suis battu mais j’aurais cette palme, cette coupe, ce trophée, qui enchantent les âmes simples et font sourire les enfants, souples sauvages, d’osier fragile, de fin roseau.

Au monde fabriqué, j’ai toujours ma truelle et mon chapeau. Pour me revoir dans ce miroir, sur ce récif où battent les oiseaux, il faut que je te lave mon cœur de tes absents. Je les reconnais, le soir au bord des routes, obscure mélancolie qui les brouille et les encombre. Ces ombres, ces bannis, ces salis de doute et de froid, ces humiliés de regards suffisants, ces absents tous présents, partent vers la lune, les étoiles, risquer les triomphes sur les déroutes, Ils sont partout et ils sont partis, c’est par amour et par là, par là, avant que tout s’enlise, c’était là avant que ça ne change, avant le ciel et les cailloux, dans l’ombre simple et sensible, la fraîcheur et le feu, dans l’écriture et par le témoignage, dans l’air salé de ce coin si amer, au fond d’un lit et sous un escalier, dans l’escapade et la tourmente.

Une parole qui s’évanouit, un sucre croqué, une fontaine tarie, un chien qui tue et qui mange, les colombes sacrifiées, le thym et la sauge surtout, surtout le parfum fort du thym et de la sauge.

21 Juillet 2003.

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