vendredi 28 septembre 2018

En tournant.

Il tourne sur la terre et cherche des cailloux, il est à l’abandon, il est en confusion et il se tourne sur la terre et il avance dans les rangs. Si le silence est en cause si la saison est bien propice, si les chansons le dominent, le régulier, le plus étrange, le plus incertain, le plus abandonné, il avance et il tourne sur la droite, sur la gauche et il se renforce et il se donne sans merci, sans retenue. Il faut dire et il faut faire, une charnière tourne sur le soir, il faut en faire offrande et retenir l’évidence, la mousse sur les pierres, la terre dans les trous.

Le plus complet et le plus tendre, l’eau a lavé le mal et les sarcasmes, il faut monter et toucher bien plus haut, bien plus beau et finir, et finir pour penser et recommencer et abandonner les idées et les plans. Il n’y a plus de projets, il faut viser les images d’un œil plus tendre et moins définitif et toujours luisant et plein d’espérance et petit et charmant et grand sur l’eau et fermé sur le soir.

Et rompu et sans entrain et plus fermé et sans grâce et sans élan, plus, ses yeux se couchent sur la feuille, les arbres répandent les parfums et les chants, la certitude, le renouveau et le plus intense. Les trésors sont dans l’œil et sur les épaules, il moissonne et pense et fonde une génération nouvelle, des enfants à perdre et à commencer et qui ne donnent rien et escamotent la vérité.

Il pourfend, il poursuit et serre les poings, les yeux sur le torse, il est au fond des âges, il est perdu, il se retire et recommence et les idées l’ordonnent. Il faut respirer plus profond et sans attendre et sans trembler. Et plus petit, il se laissait faire et il chantait pour tous, les chansons de l’immensité calme, du poids des ans, du cercueil fermé, sur une poitrine trop forte et rebelle, il a bercé cent générations et les plus tendres, les plus aimants, les moins sauvages.

Il part, il tourne, il tord. La vie est sur terre et il ramasse des cailloux, les pierres pèsent sur lui et pèsent sur la terre et il emprisonne les bruits et il cache les horreurs et il fredonne la ritournelle. Il enfonce des clous dans la table avec la main, et il saigne et il recommence et rien ne l’arrête.

Les yeux tournent en rond, toujours en rond et rien n’arrête et rien n’invente, il est tout affairé, tout petit devant les mystères, il attend le miracle, les présents sont retournés, les aveugles sont partis, les chiens tremblent sur la terre, les sortilèges agacent et fondent sur les yeux perdus, penchés, sans rire, sans attaches sans rien pour faire, que tourner et se prendre pour fils de roi et reconnaître sur la terre le pas tremblé des chiens effrayés et perdus de rage.

Et plus rien ne trouve de sens, les montagnes sont au dessous, les plaines sont bien pardessus et il se pense à l’abandon, à l’abandon, sans rythme, sans attaches, sans rien, et sans certitude, les montagnes sont bien trop hautes, les vallées bien trop étroites, et le désert, le désert. Il avance sur les chemins et fait semblant de ne rien voir et ne rien comprendre, de lire des surprises, des erreurs, des égratignures, des éraflures, la paume en sang.

Trois jours après sortent les épines, il a taillé dans le jardin et répandu des fleurs éclosent, des pétales, de la soie, des flammes sur les feuilles. Les arbres sont penchés, les étoiles attendent, il était en haut, il était en bas, il est par millier et tire sur les cordes, les planches tombent, tombent, tombent, il est à l’abandon, il est en confusion.

6 Août 2007.

1 commentaire:

  1. "! Como, meciéndose, en las copas de oro,
    al manso viento, mi alma
    me dice, libre, que soy todo !" *

    A quel moment la fêlure, à quel autre la fracture qui assécha la source. Il reste à recenser les herbages et les pacages de l’hiver, le visage de la nuit et la pierre fraîche sous la pluie. Peut-être suffit-il d’attendre. Peut-être suffit-il d’un regard tendre pour apercevoir la petite flamme dans le noir.

    Des enfants donnent leurs yeux aux moissons et répandent l'or des blés au-delà des étoiles. Des enfants nouveaux couleur de pain chaud.


    "Mi lagrima y la estrella
    se tocaron, y al punto,
    se hicieron una sola lagrima,
    se hicieron una estrella sola.
    Me quedé ciego, se quedo
    ciego, de amor, el cielo.
    Fué todo - y nada mas - el mundo
    pena de estrella, luz de lagrima."*

    "Tira la piedra de hoy,
    olvida y duerme. Si es luz,
    mañana la encontrarás
    ante la aurora, hecha sol."*



    Et les chiens tournent et bavent et rongent, et se rongent de remords. Seul l’enfant entend et voit et sent, et ose tendre la main qui apaise les chiens.

    Tout est sans dessus dessous, et vogue, vogue, vogue à la dérive comme une barque mal arrimée, comme des liens mal noués, vers d’autres contrées désespérées, aveugles, muettes et sourdes... et dans ses mains ouvertes lui reste la blessure de son jour de martyr… Là-bas un autre jour…là-bas au bout de la nuit… un rayon de vraie lumière.

    "Je tombe, je tombe, je tombe
    Avant d'arriver à ma tombe
    Je repasse toute ma vie
    Il suffit d'une ou deux secondes
    Que dans ma tête tout un monde
    Défile tel que je le vis
    Ses images sous mes paupières
    Font comme au fond d'un puits les pierres
    Dilatant l'iris noir de l'eau
    C'est tout le passé qui s'émiette
    Un souvenir sur l'autre empiète
    Et les soleils sur les sanglots
    O pluie O poussière impalpable
    Existence couleur de sable
    Brouillard des respirations
    Quel choix préside à mon vertige
    Je tombe et fuis dans ce prodige
    Ma propre accélération"**




    * Juan Ramon Jimenez
    ** Louis Aragon

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