mercredi 19 septembre 2018

Enlevez tout.


La solennité, le refus, le partage, enlevez tout, que rien ne reste, ni poil, ni cheveu, point de corde, point de tresse, la lame passe et repasse et la peau s’ouvre sous le fer. Ils sont tombés et se déplacent et vivent un enfer sans lune, sans armure, sans poids, les doigts se posent et sur la chair, ploient.

Un instant il ne reste rien et tout passe et la peau pince sous le masque, sous la dorure, sous l’objet. Le soleil chauffe et on le sait, et l’eau coule sur les épaules, et la fraîcheur glisse sur le poids, des mots et des couleurs, les images frottent, il ne reste rien sur le corps, tout est parti, envolé sous les ombres noires, le corps est lisse, et tirés les cheveux, et frottés le crin des guerriers, des branchages sous la main et des écorces sous les ongles, ils ont tondus, ils ont raclé, ils ont arraché le vivant et répandu les herbes mortes, et effeuillé tous les arbustes et déracinés les apôtres.

La peau s’allume sous le fer, les cheveux tombent, les doigts s’enlacent, la rivière déborde, le cran est tiré, tendu, serré, les sangles mordent et la peau tombe dans la poussière, les fleurs fanent au soleil, l’herbe sèche, les ongles grattent, la peau rougit, le feu est là, les insurgés sont dans la place, dans le grand cercle noir et bleu quand on ferme les yeux. Le soleil tourne, tourne, tourne, du jaune au vert, du jaune au vert, le soleil tourne, tourne, tourne, tourne, d’un rien, au poids du caillou.

Enlevez tout, que rien ne reste, le soleil a tourné du jaune au vert, du rouge sous la paupière, dans l’ombre forte, insupportable, rien ne passe, et tout attend, et tout attend, de rien du tout, de tout aux larmes, aux frissons, le vent souffle et recommence et porte sur le dos à nu des fils, des poils, des retrouvailles, partis dans l’air, les oiseaux prennent des poils jetés, des brins, des graines, des fétus, ils plongent de haut et recommencent le nid, en trois, en quatre, en infini, en herbes folles et fils sauvages et cheveux trop lissés qui tombent sous la lame.

Il faut fermer les yeux et commencer, et voir à nouveau, le soleil passer du jaune au vert et tourner, petite pierre dans le remous, dans la coulure, un caillou flotte sur le vent, l’ombre noire a refleuri, les oiseaux chantent dans les arbres, les oiseaux volent dans le vent, les cailloux flottent dans le temps.

La solennité, le refus, le partage et le dire non et non et non, et encore voir le point aveugle, le soleil jaune vire au vert, au vent tourbillonne un caillou sur les traces de l’air, sur le chemin, sous la paupière, dans le reflet, dans la bordure, il faut souffler pour envoler les fils, trop sages et trop lisses, et dans la nuit du jour fermé dans l’œil battant, dans le cœur qui palpite encore, les couleurs fondent et commencent, le monde naît du choc des couleurs, le jaune, le vert, et du scrupule qui dans l’air flotte, sur le rebord de la vie, dans l’eau, en endormissements.

Enlevez tout, que rien ne reste, le soleil a tourné sur l’heure, les ombres fuient les oiseaux volent sous les branches, les petits dorment sans attache, ils sont enfermés dans la liberté et cognent sur les parois blanches, un palais est peuplé d’ombres qui passent, sacrifiées à la lame qui rase le cœur et racle la peau, que rien ne reste.

La peau est nue, l’air est frais, les fleurs à lire dans les ombres, le monde naît d’un cœur tendu, d’une effusion pour rien et pour personne, le sommeil tombe sur tout et trois petits cheveux s’envolent. La solennité, le refus, le partage, enlevez tout que rien ne reste.

23 Juillet 2007.

1 commentaire:

  1. Le dépouillement, la solitude et le silence.
    Tout se retire… et tout se perd dans la pénombre… et sous le masque, et le brillant, le vivant n’est plus… seul subsiste le néant.

    Tout ce jaune et tout ce vert, tout ce noir et tout ce bleu, en tourbillons devant les yeux, et ce tumulte dans le crâne, dans le cœur de la flamme et les doigts crochus du vent. Tout ce poids qui brise l’âme en poussière de cailloux, en fétus d’herbe sèche, en lambeaux de peau… sous l’acier du couteau.

    Les paupières sont gonflées de tant de larmes, de tant d’attente, de tant de rien, de tant de fièvre et de cauchemars dans cette terre dévastée… ce sol vide et raclé, tari et épuisé par tant de carnages.

    Il faut prendre courage et du bout du bec reconstruire le nid douillet d’espérance et de gloire, essuyer les larmes, et saisir d’entre les doigts du vent les petits cailloux de pluie et de soleil qui engendrent l’arc-en-ciel.

    Le monde s’éveille de sa nuit longue. Un enfant à naître épie déjà ses songes dans ce monde vierge et nu où l’air est translucide, limpide et parfumé des fleurs de l’ombre. Le jour se lève et peigne les cheveux, frotte les peaux, caresse les âmes tristes.

    La blessure est sensible et baille dans l’aube du jour nouveau qui nait… … "C'est une blessure large et profonde qui s'est lentement cicatrisée, mais demeure encore sensible"(*).



    (*)V. Van Gogh (lettres à Théo)

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