samedi 20 janvier 2018

Il y a sur la route un peuple en visite.



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Il est un chemin sans rien pour heurter le regard, le pas se dérobe dans la vase. Les désirs, la vengeance et les aveux closent un espoir, la vie se cherche. Ils assument sans peur le regard que déroule la lumière. Ils se lamentent, l’avenir frôle les lèvres, des soldats fredonnent la complainte du retour. Ils seront à faire l’avance du temps et de la volonté. Leurs yeux se mouillent, la brume serre leurs cœurs et leurs poumons dans ses franges de lune et de fagot, de rire et d’oppression. Au recul les défenses se meuvent, attente et refus, les enfants se dispersent. La menace et la flèche se dérobent, fragiles, la bouche se tord dans la chaleur et se resserre autour du cou. Les erreurs se disent et se déploient dans la manche des hommes trop jeunes, ils ne comprennent ni ne voient. Leur ardeur se perd, ce peuple se déplace et se disperse dans le marin, file dans le voile tendu de la lune à la terre. Il est convoitise et aspiration. La force explose dans le mouchoir que la main serre sous le nez, relevez le col et crachez dans la poussière, les gouttes de rosée tendent vers leur but, le poids du plomb anime les perles fines, les plumes tombent sur le pavé raclé par les semelles qui sifflent. Ils fauchent dans le vent qui sèche leur destin et ils retrouveront des cailloux, du sable, des fleurs et des coquilles à rouler sous le pied de ceux qui avancent dans la pâleur, dans l’espace. Un parfum enrobe le torse des amants, ils se séparent, le temps est suspendu, l’air mord et arrache la vie à pleines dents. La vertu dans le vent souffle sur la tête des hommes qui sifflent sur le pont à la cadence de leurs muscles tendus, souvenir de la nuit à venir dans la chaleur du lit. Ils sont en cadence et charment le vent, le paysage se range dans la chaîne, le métal flambe. Ils se reposeront en rêves et en pensées sur le manteau à bercer leur ardeur dans le pli qui tend et détend leur illusion. L’os est éternel. Le grain, le poids de chair et de peau s’agitent. L’étoffe et le crin protègent ce poids de silence, défilent avec eux, les simples de la lance, les grands au cœur battant qui déplacent au matin les crimes et les grimaces de vie. Au bout du pont commence le chemin qui de tout fait une vie lancée et ramène à la surface le parfum du plaisir. Ils pèchent sur le bord de la vie ces jeunes gens qui vont perdre leur fleur et se dilapider, galets à la surface dans un geste sans fin qui trouera leur chemin. Ils sont à retrouver et chanter en chemin, pour en faire des héros et des cracheurs. Le feu met la vie au manche du trident qui leur mordra les flancs.

4 Décembre 2004.
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A faire office de brisant, la route se déchire et claque sous le pied, le sabot frotte et se lamente le cavalier. La liberté de l’âge et la contrainte du savoir figent l’espace. Les reflux se mêlent aux ardeurs, le grand air roule dans la terre, il échauffe et joue dans les ténèbres sur des volutes et torsades lourdes et malhabiles. Il y a sur cette route un peuple en visite dans ses ruines et ses catacombes, il avance et compte ses pas. Le rire des canailles efface les chansons et désarme la fierté des jeunes. Un parfum de grain et de roseau traîne sur le sable. La porte des adieux se tourne à leur face, ils tirent vers eux les fruits de déraison. Ils sont en une main, en une limite, sur un seul continent ces oiseaux qui bavardent dans les bois. Chante et siffle le merle du village, le noir d’un coup de bec fêle la nichée, les petits ne viendront pas de ces œufs brisés. Il avance à travers les champs celui que ce peuple adore et reconnaît. Il force une barrière et fait fuir tous les chiens en écho, détrousseurs de cadavres. L’os éclate et la dent racle entre les nerfs, il ne reste que l’air pour siffler la chanson du temps, glissée entre la chair et l’os. Il fuit ce torrent de volutes et de torsades. La route murmure avec les muets, des riens balancent au bout du bout du fil et de la corde. Le grain meurt toujours même s’il est jeté au dessus de l’épaule, la tache sur la nappe se disperse dans le retour des nuages. Des enfants rêvent et s’ennuient, les chemins se creusent de gloire, ils résonnent sans fin de l’absence et de la misère. Ce peuple de l’envie se dirige seul et frotte sur sa peau la toile du juron si lourd dans la bouche des faibles. La nuit est une absence, un grand trouble, une conquête à retenir et un pas à ressusciter. Les planètes dispersent sur nos têtes des horizons d’orage et de feu, renversés par l’angoisse de la mort, traînés sur le sable pour un avenir de guerre et d’obscurité. Si demain il vient dans ce paysage tirer sa fantaisie, on verra une ligne de sang et un cœur de charbon, noircissant des images de ruines.

Il est si frais et si rapide le vent qui tourne sur nos têtes.

20 Décembre 2004.

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