1
Il faut partir et avec le temps, contre l’espace, dire : la vie est un tourment, l’avenir se joue à la ficelle de chanvre entre la vertu et l’oubli. Le pardon et sa déchirure révèlent un fracas de petites larmes, elles courent dans l’infini et accrochent en cage des oiseaux, leurs nids couverts de boue et de soleil. La vertu voile et dévoile une vérité lointaine, elle meurt dans la descente vers la terre ferme. Au jardin les oiseaux se prennent pour des anges et murmurent, ils se désolent et dans un panier de tendresse et de malheur mangent olives et raisins mêlés.
Les feuilles et les branches se teignent de rosée, fraîcheur trop vive et insoutenable. L’ivresse passée, délivre un secret. Le drame se décline en rondes d’olives et de grappes sur la carapace d’une tortue, elle tourne sa tête vers le point le plus froid. Une petite voix se souvient et répète, elle ouvre les barrières de l’éternité. Il faut partir et admirer. La fusion du chant et de la langue éclaire la route. Les enfants, fuite sans retour, s’engagent sur le chemin de la raison et du partage. Une petite voix se souvient, répète et ouvre les barrières de l’éternité. Ils cueillent des olives comme si leur vie en dépendait et ils s’accrochent aux branches qu’ils courbent et cassent. Leurs vies pendent dans les branches, ils jouent une comédie de sarcasmes. La fureur du jour, éclaire les incertitudes. Leurs vies en dépendent et les arbres se plaignent. Le soir viendra, mais le jour ne s’est pas levé, les sanglots se dispersent et l’aube qui se prolonge effraye les oiseaux, ils réclament leur pitance, piquent dans les olives et les raisins juste pressés.
Le jour ne vient pas, trop tôt allumé et si peu éclairé. La récolte est médiocre, l’espoir de venir en sucrer le printemps tient le cœur réjoui et la joue en chamade, le pied est noirci de terre et cailloux, un jour nous mangerons cette vendange amère.
2
Ils se dévisagent et chantent les ambitions et les regrets. La vieillesse déclenche la sueur et un reflet de vif argent. Il faut supporter l’attente couronnée de froid, l’espérance du printemps, de l’or fin. Le temps passe, la peur installe un horizon de plumes et d’orgueil. La parole modère la tension et la défaite, une petite voix s’inquiète dans l’espérance sauvage. Ils chantent pour les efforts d’une foule en avance dans le matin que tremble l’air marin. Le velouté du soleil caresse et fait rêver de volupté. La lessive forte et bien mesurée nettoiera les olives de leur amertume, les lutteurs nourrissent leur chair de cette force vive et de crachats lancés dans les mains, ils se froissent et font luire le cou de qui les accroche, dévêtent leur armure et fondent dans l’eau claire. Ils sont durs et leur envie de bien faire, de bien comprendre et d’être bien compris, berce en eux des enfants tendres et sucrés qui glissent dans leur bouche le sein d’où coulent le lait et le miel. Leur ferveur est intacte, leur douceur et les rires se défont sous l’eau claire et dans la mousse qui délasse le cœur.
Ces oiseaux armés se frottent du bec. Il y a au monde une saveur nouvelle qu’il faut goûter, sans rien choisir, il faut aimer et plaire, et regarder la vie se défiler dans l’ombre qui s’oublie et se pleure. Parfois un taureau fonce sur le sable. Les bandits, les obscurs, les dégradés de l’âme et de l’air se défont sous l’arbre, la corne défigure le corps pur et serré dans la main fine des amis, ils enfoncent dans le seau des apparences et des doutes et l’odeur du monde. Ils recommencent quand le froid de la rosée souligne le poil et le grain de la peau qui frémit sous la langue qui râpe. Les revenants devinent dans la sève de l’arbre fendu, un réconfort qui déchire et mord dans la chair tendre et suave celui qui fait le malin et chante. Ils passent sur ce toit du monde, distribuent les présents. La vie recommence, les effrayés se donnent aux silencieux et sourient en chemin de la joie qui étreint les corps et les dents avec force. Le respect et le bien, le don et le partage de tout sur terre, affirment la grandeur des mystères et leur dévoilement. La route, le froid, les règles et les lois font une gerbe de blessures dans le muscle jusqu'à l’os, jusqu’au nerf. Le corps qui observe et réunit, qui froisse et qui dompte, renaît de la candeur et du courage. La vérité de ces hommes a la valeur d’une guirlande de fer et de roseaux qui pare le front et la taille du grand qui dirige mon monde et m’enchante le soir quand j’en refuse le bras et le silence.
2 Novembre 2004.
3
Le froid recommence, les avides et les fous sont en embuscade. Les bêtes, les gens et le regret ensemble se faufilent en haut de l’escalier et regardent dans la lucarne le destin, fixent la raison, fixent le voulu, le tendre et l’inconcevable. La vertu et le sable coulent entre les doigts. La bataille commence et enchevêtre l’éternité. La vie invente dans la paresse, les ordres et les rires, ils se disent en attente et foncent dans le ciel bien loin au dessus du miroir. La rue danse dans la fumée du noir de suie et des cailloux, brûle et explose sous des parapluies noirs et des ombrelles de feu. Les enfants fabriquent sans le savoir, le souvenir d’un monde de merveilles et de déraison, d’explosions, de refus et de confusion.
On dit : je t’aime et je me meurs, invente moi la vie et je te donne l’espérance, arrache la mort même et construit l’avenir. Les soutiens et la pudeur, la liberté affichent l’instant. La bergère danse et le ramoneur sort de la cheminée. Dans le repos et l’absence, les lois difficiles et les regards perdus, les invités rient toujours et le feu se propage aux arbres de la cour. La vérité blesse, le fracas du temps et les rides font se courber dans la tempête et l’orage de feu, les malins glissent à genou. Boire dans le verre d’un mort est une grave affaire. Le soir les éclairs et la foudre, les sonnailles tiennent la tête, les dieux fuient dans le lointain, le souvenir du mal et le verre de sang, pleurent le ciel du disparu. Le bleu et la soie, dans la fange brillent, sur la rive un fou croit qu’un navire va lever l’ancre, les matelots se mutineront. Je tente une escalade de fleurs et de rochers dans le bruissement de la liberté. Je mange de la vie et boit du tourbillon. Les cloches rappellent l’éternité qui bat dans le cœur, je me lamente, où est ma liberté, que faire de mon nom, qui sera le dernier de cette histoire ?
Dans un souffle le temps se rétrécit et la veine tarie s’installe dans la nuit, revient, dans le futur le fier passe entre deux visions. Le droit et le couché se donnent en spectacle les aveux et la reconnaissance explosent dans la nuit de ce que tu désires et que nous deviendrons. La buée monte des corps et des narines, la sueur glisse sur le baiser si tard donné dans le noir et le vide. Le temps sème dans le jardin une herbe de hasard, pour rire à déraison. La foison, l’absence de retenue s’effacent, la différence d’attente et d’impression se noient dans le décor. La vie commence et n’en peut plus de plaisir mal éteint et de feu à renaître. Sous la braise, l’orgueil, chante et serpente en embuscade dans la rue.
3 Novembre 2004.
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