samedi 13 octobre 2018

Au vent.

La pointe du vent découpe à l’os et aux nerfs, la chair froide et confuse, les sources et les chansons entremêlent et divaguent, il n’a pas assez d’élan, pas assez de fantaisie, les incisives sont limées, il ne reste plus d’émail pour ronger l’os et déchirer la peau.

L’ardeur était de la jeunesse, il ne voit pas la pauvreté, il ne mord pas, il ne veut rien, il n’embrasse pas, il se défend d’espérer, la vigueur, le torrent, il emporte tout et il fond, il fond, dans la pente, il fond dans la pensée, il tourne le dos et les regards, il enchaîne, et il dépense, et il défonce du regard la terre trop tassée.

Les champs tournent de pierres et de mauvaises herbes, et de remords défaits, il ne voit pas la guerre, il ne voit pas l’étrangeté, il embarque d’un œil les feuilles rouges, les feuilles volent, volent et il entend d’un œil et d’un souffle, la terre tourne, les champs sont en avance, il ne voit rien venir.

Il n’entend plus les oiseaux chanter il n’espère rien et tout vient et tout se donne, les plus jeunes sont armés d’armes blanches, de regrets et d’espérance, ils sont incisifs, ils alertent et ils alarment, le poing levé, la phrase sèche, le souffle saccadé, loin d’être éprouvés, ils avancent et demandent.

Ils réclament, plus jeunes, et hurlent à la vie, il faut que le ciel arrose mon jardin, il faut que le ciel se démonte et que l’orage tombe sur le dos des perdus, des errants, de ceux qui se prêtent et s’arrachent, ils détournent l’eau du jardin, il n’en reste rien, si peu, si petit, ils se pleurent, au vent, au froid.

Ils m’ont oublié et je suis perdu et rien ne tient entre mes doigts, sais tu au moins qui tu as perdu, qui fut rejeté et qui pleure ainsi toute la nuit, le jour, sept années pleines, et autant par jour de pleine lune, de secondes noires et atroces, et il étend les mains vers la terre retournée. Ils sont bien affûtés.

Ils réclament leur lot, ils ne se contentent de rien, ils veulent tout et rien ne tient, ils sont perdus dans le vent, dans le froid, dans la peur, sans arbres, sans baisers, sans fleurs et sans bagage, les sacs ont volé, le vent les a perdu, ils osent même l’amour morte, il ne faut plus rien en dire et plus rien en attendre.

La vie s’envole et ils sont aigus, et coupent, et percent, ils enfoncent la lame dans la chair, la sève coule et sèche après, au vent.

31 Octobre 2007.

1 commentaire:

  1. Martelage de la terre, laminage de l’horizon, frémissement des feuilles, silence suspendu des herbages, saignée des torrents et pluie de lumière. Stèles dressées aux vents du souvenir, à l’appel de la mémoire, aux saccades du temps.
    Célébrons la beauté fragile de ces instants magiques volés à la mort.


    Et la terre se tourne et se retourne sur les remords et les regrets, au vent mauvais qui pleure ses larmes envolées. La terre est un refuge pour les espèces ivres de liberté. Elle écoute et tend l’oreille et entend les oiseaux chanter, peuple sauvage qui chaque jour se rétrécit et fait bivouac dans les forêts. Il faut aller et alerter et saluer et écouter les menus secrets de ces espèces effarouchées.


    Le vent a séché la terre, elle crie sa soif la bouche ouverte pour que les eaux du ciel abreuvent son corps de pierre et de poussière, d'épines et de ronces où tout se jette et se perd, et où il ne reste rien. Dans cet oubli et cette misère, entre ses doigts de pluie et d’air les ténèbres improvisent un concert où l’on voit l’eau et la terre célébrées par la lune et par l’ombre.


    Toujours plus, toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus cher, et toujours rien… le rien du rien… le vide, le manque, l’absence, l’isolement et l’exclusion… "L’amour est morte"… la main se referme et frappe, la vie s’en va, la Mort cogne à la porte, le vent la porte et les emporte.

    La selva s’éteint…



    https://www.youtube.com/watch?v=fYG0suOjx7k

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