lundi 15 octobre 2018

Le poids I. in « Le poids ».

Il accorde et file la toile pour le temps, il vient, il va, il enrubanne et prend dans l’eau vive, avec la force du vent, des monceaux de fil tendre, du cru, du léger et de l’obsidienne noir et verte et sans mesure et sans penser, il refend dans la sève des bois de couleur et des lames de fils tendus.

Sur la corde, sur le temps, il escalade la colline et voit venir les chiens errants, les erreurs, l’écho en transe et organise et refend et compose et recommence. Il a grimpé, il est monté, il descend et il revient, il faut avancer et comprendre, comprendre en avance et loin, si loin, la route avance, la raison roule, la liberté fleurit.

Le soleil, le ciel, les avances, la solitude, le ciel et le silence, il se repend, il renforce la vie dans son entour, il griffe, il mord et il avance dans le temps, sans raison et sans loi, sans ardeur, simplement en suivant la pente sans trembler. Il fonce et mord et récupère et arrache, au sol le repos, au ciel un désir.

Un fragment, il se laisse et visite et reprend et s’enchante, il se berce et recommence et porte sur le bras le poids de cet enfant offert à tous les vents, serré sur le cœur, détruit sur la poitrine, effacé dans le temps et repris sur le vol. Il enfonce dans le souvenir le poids de l’enfant sur le bras crispé de son père.

Il tenait fort, si fort, la lame et le bâton, il commande et renonce. Le royaume s’ouvre, la vie avance avec un poids de chair tendu sur le bras, les yeux se cherchent et ils rencontrent, et ils avancent, à corps perdus dans la terre immense, dans la mer infinie, dans le sursaut sur le pont, sur la rive, sur les reflets.

Dans la chaleur, dans le vent, sur terre et sur les flots, il avance et porte son poids de chair et d’amour, le bras est crispé, la chair est blême. Le poids lourd est vivant, la vie avance sur la terre, les efforts sont constants, il avance et porte son poids de chair, le bras est crispé.

La toile, le temps, le sursaut, le souffle, il avance et souffle, sur son bras il pèse le poids en enfants sur la route. Il leur manque des soins, des efforts, de la liberté et du sacrifice, des certitudes, de la volonté, de l’inutile, du sens au front, de la lance, des réponses.

Il connaît la force et le renouveau, la charrue et les saisons, sur son bras pèse le poids de l’enfant dormant, rêvant, et sans attendre, il avance sans repos, vers la gloire et la richesse, il abandonne au ciel des éclats de salive, il crie et sa voix porte sur le temps et berce le petit enfant. 
 
06 Novembre 2007.

2 commentaires:

  1. "Et je ferme les yeux
    Pour vous voir revenir
    Du plus loin de moi-même
    Où vous avez failli
    Solitaire, périr".


    Jules Supervielle / La Fable du monde

    RépondreSupprimer
  2. Un texte beau et plein d'amour
    merci pour votre belle écriture

    toujours

    RépondreSupprimer