Je n’ai rien navigué sinon une route au clair de lune et les arbres comptés par dix en toutes saisons. Je pense au batelier qui voit sept femmes sur l’eau. Une fleur de nacre se précise dans les rêves des rouleurs de route et brûleurs de chemins. J’ai vu ces images en force et en vertu. La vie est un ruban couleur de neige et de rose tendu sous les yeux hagards, il compte sans pouvoir les arbres par dizaines et se déporte vers l’avant et perd à chaque instant ce compte solitaire, quelle raison dicte ce tri sauvage et inutile. Il faut se rassurer et contre la précipitation dire, le monde se répartit de la sorte : dix par dix et une haie de séparation pour couper le vent qui brise les rameaux et détruit la récolte. Les rayures se tordent dans le paysage et rien ne compte que le résultat de l’addition. Il fait bon épeler la fortune des autres. Sept formes sur l’eau et un compte d’arbres au clair de lune, rien ne viendra au bout de ce calcul, les petites pierres en avance sur le temps passé, j’ai vu une ombre dans le miroir, un épuisé, pâle et malade se meurt de comptes inachevés et sans usages. Je franchis à nouveau la route du champ à la ville, je n’ai jamais navigué de l’ombre du soir au matin, le canal passe sous le pont, les arbres se couvrent de fleurs de nacre et de rose. La saison tire du sommeil la cause tremblante des erreurs, les ombres commandent et chuintent comme les oiseaux de nuit, ils comptent aussi par dix et virevoltent sans cesse d’un arbre inutile à une nuit sauvage qui sert à cacher de la noirceur dans l’obscurité. Les yeux se voilent dans cette ombre triste, triste d’un triste soir. L’idée monte de loin et dans la clôture une peur tourne sur elle-même, un autre y voit des formes de femmes qui chantent sur l’eau et dans mon voyage je compte des arbres par dizaines. Il y a un trou d’une génération à une autre, ils sont différents ceux qui chantent le monde, ils sont prisonniers de leurs royaumes sans rois et sans armées, ils chantent pour eux seuls et sans raison hors du temps et de la règle, le pouvoir est ailleurs et d’autres s’en saisissent. Il faudrait chanter une guerre et un chaos, et je parle des arbres rangés par dix et cernés de haies de peupliers pour couper le vent. Le jardin d’Éden est en débâcle, le seigneur qui le possède est en absence et néglige sa récolte, il fut un figuier et un pommier et je chante l’arbre de Perse. L’arbre de la connaissance est imprimé dans un pêcher, sept femmes évoquent la fin. Je rivalise et sombre, il faut relever les flambeaux, la chanson lente du batelier est à dire, il a vu sous la lune sept femmes et sous la lune je compte dix rangée d’arbres, le malheur est en avance, personne ne cédera une parcelle de puissance pour ce compte de rouleur de routes, il faut mesurer à la corde et au compas le monde qui s’offre aux yeux, les petits cailloux repèrent et la main égrène au fond du sac une piètre récolte de noyaux. Je pars sur la grande route et reviens le cœur et gai et triste. Les navires restent à l’attache et disputent le rêve aux passeurs de mystères, la fin du récit se brise et ma main est pleine d’un éclat de rire.
22 Décembre 2005.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire