samedi 8 juin 2019

Hiver sans manches. 5

 
En froid avec les ombres, pris au tourbillon, dévêtu, sans attache, imposant, retouché de ses sarcasmes, perdu, devant le rien qui passe, le néant qui luit, ne rien en faire dans l’attente, et du monde si haut et tout est confondu, il attache à sa joue sa mémoire et son temps, il défie le soleil levé, il se donne sur une épaule, il est tourné, au passé, il se fond sans rien sur le dos, l’épaule offerte, il voit ce vieux géant.

Il n’a pas grandi, effondré et perdu, il est frêle et chancelant, il avance sur terre, il est du temps jeune au vieillard, des folies sans science à la rigueur instruite, il se donne d’une épaule, d’un sourire de dents pures, il est petit, il est étroit, il était grand et chaud, il se donnait, il était si bon dans le pain du matin, dans les rayons, essuie ton front, essuie tes yeux, la fatigue t’accable, tu le trouves, et ton chemin est éclairé.

Épaule ouverte, tu mords dans le temps, et sourire confus, il mord dans tes mains, il offre à ton matin son pain, l’amour et la croissance, le bien rendu, enfin offert, tu peux résilier tous les contrats, tu peux offrir des équivoques, voici enfin la trahison levée, le temps perdu aboli et rangé, il était grand, si grand et tu as plus grandi et tu es plus ferme et l’illusion te berce, tu es plus grand, bien plus, et il ne te cherchera.

Tu as trouvé une image, un pas se reflète au loin, au bouclier d’argent, les cailloux volent au dessus de l’épaule, tu as grandi et ton panier est lourd, il est étroit, tu as le plus beau, le plus grand, le confortable, la route sage, les illusions sont tombées toutes, et tu ne crois plus en rien, tout peut s’écrouler, tout peut s’effondrer, épaule étroite et dents rayées et reprises en saison sèche, le pain au matin a gardé le goût du sel.

Aux saisons sûres, aux nuits noires bien en avant, sur les cailloux, il se frotte, il s’étire, épaule maigre et cœur d’acier, il est perdu et tu pardonnes, et tu déchires un contrat signé tout seul et qui te ruine et tu affirmes au ciel, au ciel enfin, enfin rendu : j’ai résisté, j’ai vaincu, il est abandonné et je respire, je suis tendu, je monte encore, je tiens la vie sur le devant, je vis, j’étreins, je monte sur toutes les pentes.

Je suis en haut, en haut et la montagne est grande et je vis, je respire et je suis touché, ému, perdu, éperdu et ravi, et ravi, et je déchire le contrat seul signé, qui me ruine, qui me ruine et je suis seul et fidèle, fidèle, je résilie, j’abolis et je commence et je vais vivre, encore, en ayant, en ayant, et gagné et perdu et retenu la leçon, la leçon, il chante en moi et je chante pour lui, je suis sauvé, je monte, je recommence.

Je cherche au ciel mon oiseau, ma tourterelle, je suis sauvé, j’ai tenu parole et je tiens et j’observe, vainqueur de la mort, du supplice, je reste sur cette montagne et je n’ai pas trahi sa vie, la mienne, un cœur pur ne se désole plus, il écoute en face son architecture, il remonte bien haut, il est capable et en attente, il se donne, il se rend, il arpente la vie et grimpe, grimpe, cette montagne est haute, haute, il ferme.

Une victoire, une défaite, ses yeux, le géant est à terre et je sens les os emmêlés et perdus, coincés dans l’inconstance. Grandi et rendu de branches en branches, sans illusion, perdu, recommencé, je boîte, je déboîte, je suis rendu, il est aveugle et sourd et maintenant enfin, enfin et pour toujours, avec la nuit et moins d’incertitude, je tends la main, je tends la main, en froid avec les ombres, je donne du ciel pur.

29 Décembre 2010.

Avec Maria Dolores Cano, ici et .

1 commentaire:

  1. 1,2,3,4,5
    un ensemble sublime
    une émotion à chaque lecture

    et cet extrait est un talisman :

    "Il n’a pas grandi, effondré et perdu, il est frêle et chancelant, il avance sur terre, il est du temps jeune au vieillard, des folies sans science à la rigueur instruite, il se donne d’une épaule, d’un sourire de dents pures, il est petit, il est étroit, il était grand et chaud, il se donnait, il était si bon dans le pain du matin, dans les rayons, essuie ton front, essuie tes yeux, la fatigue t’accable, tu le trouves, et ton chemin est éclairé. "


    merci.




    ici

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