lundi 8 octobre 2018

Ils et les autres.

Ils vont et viennent et cherchent l’aventure, le froid, le chaud, et le sans nom et la profusion et la barbarie, ils se posent et inventent d’autres ardeurs, d’autres principes, des couvertures de joie, des efforts contre l’amertume, du renouveau.

Ils avancent chargés de soleil et de d’orages et perdus dans le ciel et nourris de fruits mûrs et isolés dans le silence et perplexes et heureux d’une sereine gravité, d’un modeste triomphe, un jour de plus au vent et à l’ardeur, au plaisir et à l’enfance.

Ils se tiennent de part et d’autre du sentier, au dessus des eaux calmes, au dessus du précipice, ils peuvent basculer et tomber et ils retiennent leur souffle, la vie est faite d’extases longues et de frayeurs entretenues. Des bateaux, des orages, ils rêvent et ne tiennent rien entre leurs doigts, la fraîcheur monte parfois du cœur des arbres, des fontaines, des eaux dormantes, des feux, des cendres pleines de coquillages. Les fonds raclés, les eaux livrent des mystères, des moissons de métal rouillé, des bois sans âge, des outils dans le cœur, des nuages de poussière et des souvenirs noyés dans la lumière.

Ils marchent et font concert et font affrontement et caracolent, au pied des chevaux et des arbres. Sur l’escalier, sous le chantier, ils se regardent et comptent les rides de l’âme, le pli du cœur, qui se fait vieux et qui espère et qui attend. Le chaud, le vent, le poids de la saison, le futur en avance, plus tard viendra un temps plus lourd, plus ferme et plus incertain. Ils sont perdus, ils sont devant les douleurs et le mal, leurs yeux voient des enfants qui ont vu la mort en face, le soleil sombre dans l’eau froide, les corps brûlent de rage et d’envie.

Ils portent fort le rêve instable, d’une saison de paradis, d’une ouverture sur le côté, le flanc perdu, le flanc éclaté, la gorge sèche, les mains affreuses et la peau retournée et cet homme crache le feu et perd pied et poing sur la rive, les yeux sont lourds, les yeux sont loin, le toit est en flammes, les yeux sont loin, ils se jettent et ploient sous la charge.

Ils marchent au bord de l’eau, les enfants les connaissent et ils se rapprochent et ils demandent des yeux pour voir et pour comprendre, pour fermer sur l’eau éteinte les plis du cœur trop déchiré. Les autres marchent au bord de l’eau et font des rêves de paradis, ils se reposent et recommencent et chantent des chansons lentes et des échos de charpentiers et des coups de marteau sur les doigts, sur les pieds, la croix est forte et lourde.

Ils sont sur le chemin, de la terre jusqu'à l’enfer, des petits ont vu le pire et ils sont blonds, sur le sable, dans la poussière. Les autres vont et viennent et ils rêvent de la tendresse et de la gloire de corps ressuscités et pleins de feu et pleins de charme. Loin du monde et des cailloux, ils se traînent et recommencent et forcent leurs pieds vers la liberté. L’aventure, le froid, le chaud, ils le trouvent dans les yeux des enfants, ils ont vu le pire et ils étaient au bal de l’ardent. Les vieux n’ont rien vu, rien senti, ils rêvent de leur paradis.

12 Août 2007.

2 commentaires:

  1. Merci pour ce magnifique texte, d'une grande beauté malgré la douleur qui est là.

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  2. Comme eux, aux heures heureuses et malheureuses de peine et de bonheur je rêve de migration et de liberté sans limite.
    Entre extases et frayeurs, la vie est un rêve inachevé qui se poursuit au-delà des abysses de la terre, des lambeaux de poussière et mystères des eaux.

    Ils marchent, ils sont perdus et seuls dans cette douleur grandissante qui brise les âmes, perce les cœurs et fait peur aux enfants. Rouge est la blessure dans cette vie défaite.

    Plus rien ne les porte sinon leurs rêves. Ils sont las et fatigués. Les uns déchirés par les autres, les autres déchirés par les uns. Haillons de vie qui tremblent pitoyablement comme le corps meurtri d’un animal sacrifié.
    Elle glisse au bord de l’eau, elle s’en va vers l’autre rive. Cette rive d’où elle ne reviendra pas. Un jour, un jour… je la rejoindrai là-bas… vers l’autre rive… Et là en cet instant, elle me laisse un point rouge dans un repli du cœur, mon cœur qui se déchire.
    La vie, la souffrance, la mort, la vie par-delà la mort… et saisir enfin la vérité de l’instant… le repos, la douceur du passage.

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