lundi 29 octobre 2018

Là où les autres fuient. in « On, Je,. »

Il est possible que je, soit en avance, il est possible qu’ils soient tous en retard, à corps perdus, les noyés, épris, endeuillés, errants, ils se traînent et déposent le tas de leurs angoisses et de leur impuissance. Ils se donnent une impression d’éternité, de tout temps, de tout lieu, ils enjambent la rive, ils détournent leurs yeux du chemin à venir, du chemin à chercher, du chemin à finir.

La porte est ouverte et pleine d’éclaboussures, leurs yeux ont vu et ils s’empêchent de vivre, leurs oreilles ont entendu et ils se glissent dans l’air du soir : le ciel est bleu, la rive est verte, ils se donnent à la vue, aux regrets, ils passent et recommencent et enchaînent, ils tirent les cordages, ils enjambent, ils enjambent le temps et tirent les bras nus sur les tiges, la vie hésite, ils se donnent en haut, ils se donnent en bas et finissent, les yeux ouverts sur les cris et les pleurs des petits, semés sur la rive.

Le soleil éblouit, l’eau est parfumée, les yeux auront tout vu et tout saisi, la main se ferme sur les cris des enfants de passage, la lumière est en haut, le cri est à corps perdu.

Ils avancent sur le bord et jettent dans l’eau des cailloux serrés de cordes, ils jettent tout, la corde remonte à la surface, le ciel est bleu, l’hiver est bien rentré et ils jettent dans l’eau des pierres enrubannées de fils noirs pour serrer, ils retiennent leurs yeux sur les pierres du bord roulées avant. Ils avancent vite et ils rattrapent je, et ils effacent les rires sur son visage, la maison est trop haute, adieu la liberté, ils effacent le ciel et cachent le soleil, l’air est si bleu et eux si noirs et sans âmes.

Je, avance sur le sable et grandit dans le soleil, il borne son inquiétude, il tend au baiser un front épuisé, une candeur de loup, un regard sans racine, sans occupation sans mémoire, sans sel et sans repos.

Je, est en route et pose sur la rive un sac d’herbes salées. Ils avancent sur lui tout seul, devant et perdu, dans leurs yeux il existe encore, il avance et reprend de l’air dans ses narines, du soleil au fond du cœur, il respire le champ posé sur le lointain, les fleurs blanches, les étreintes de loup et de corbeau et de dernière saison. Il vient dans le temps et pense encore dans ce jour si bleu et si beau.

S’il était seul et le dernier de la liste des morts, posée sur le sable, ils effeuillent le large et disent des horreurs, la lutte est dans les têtes et les regards se chauffent, la fin est suspendue et le dernier de la liste est encore vivant. Il et vivant et chante et tire aux herbes des parfums, du miel pour échapper.

Je, mêle les raisons et perd, la confidence est lourde, cet homme est pour lui seul. Ils avancent sur lui qui était loin devant, loin et loin et si bien devant dans les fleurs blanches des arbres, mélangé et heureux et offrant ses regards à la flammes d’en haut, sa respiration pour ces petits qui suivent et n’osent rien et n’offrent rien et ne balancent ni œil, ni main pour saisir dans l’air la chance d’être heureux et libres.

Je, est en avance dans l’air bleu dans le soleil, sur la rive, les fantômes le suivent, il avance et il pense a eux, aux autres, aux enfants perdus et reconnus et mêlés dans l’eau vive, toujours ces noyés, ces précaires partis et qui reviennent et dénoncent la rive. Il est parti, il revient, il est toujours là où les autres fuient.

22 Février 2008.

1 commentaire:

  1. Les cordes se tordent, les cailloux se noient et le ciel jette des rubans noirs qui ensevelissent l’eau. Ils ne savent plus qui ils sont ni où ils vont. Je, ils, vous…. Les bouches se tordent de rires et de soleil noir. Egarés ils sont dans cet infini bleu.

    "Je est un autre" qui tend la joue au baiser du soleil, et à la caresse du vent. "Je est un autre" qui court à travers champs, du parfum plein les narines, et de la joliesse plein les yeux. "Je est un autre" sur la liste des vivants qui contemple la lumière du jour, et le sourire de l'enfant.

    Il avance dans ce monde si précaire, et se sent emprunté à l’idée de retrouver tel visage oublié, enfoui, ressurgi, retrouvé. Destin de ceux qui cheminent sur les sentiers du temps. Lui sera toujours présent dans l’oubli du monde.

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