dimanche 7 octobre 2018

Sur un air, sur le vent.

Sur un air, sur un air, coule le vent, il franchit les montagnes et mord sur les aplombs et choisit dans les formes même, la liberté et le partage, l’abandon et la reconnaissance. Il se cherche, il se noue et se déploie sur les visages, l’air frais et sourd et qui chuinte dans le travers des clôtures. La vérité file droit sur le dos du ciel, les épreuves tournent dans l’habitude, le seul est venu et attend et le vent coule sur les murs.

Il accroche et démonte et remplit les yeux de cailloux, de sable, de poussière, il fait le tri et il ordonne et il attend et tout se branche et se détend dans l’escalier, les clôtures, les entraves, rien ne s’arrête, il faut passer, il faut tordre le fil du temps, il faut enfler les voiles noires, il faut claquer, claquer encore et passer sur le plat des herbes, les fleurs blanches y sont posées.

Le vent a lavé la mer sombre, il éclate sur les prés secs et sur les fleurs et les branchages, les ronces, les épines, les fils claquent encore, et sur le pied et sur les dents le souffle est chaud et chaude la mise. Les arbres cassés, tordus, découpés et hachés, les marais sont habiles, ils se couvrent de sève et d’or et de parfum d’églantines. Il frotte ses bras, ses épaules et ne croit à rien, ni à tout, il passe sur la brise et son œil se tord.

Il n’y a rien devant et rien derrière et l’eau est pauvre et boueuse et les pieds nus sur le rebord, il voit le pont, il voit le miracle, les hommes ont descendu la poitrine et tirent fort et chantent doux, ils sifflent et dans le vent tirent les arbres du champ clos, vers la liberté, vers la fumée, vers le massacre, vers les épreuves et la folie, vers l’hiver, dans le feu, pour jeter la flamme et les cendres sur le monde et sur le temps.

L’espace est grand, les yeux immenses, et il passe sur le chemin, et il se tord sur son lit, le nez en sang, la tête étrange, les yeux révulsés, il avance et joue à la peur des hardis, joue aux honneurs, il se déplace, son bâton est pour commander, à rien, à tout, à ce qui reste, à sa solitude et aux autres, il avance et compose pour le moment une hymne de liberté et de souffrance.

Le vent décolle la vie même, les autres sont bien loin, bien loin, il se défait et il avance et n’atteint rien ni feu, ni lieu, la course est une folie dans l’espace, dans le temps, dans la confusion, il avance et oublie de boire et de regarder, les pieds tordus, le corps est dur et cette joie est une intense réparation, on pose de la terre neuve sur l’ennui, on chante, on suit, on imagine, on meurt ici, vous le voyez, et on s’oblige et on avance, il faut ordonner et recommencer.

La vue est ferme, le temps est beau, le vent souffle sur les épaules et démonte un à un les pores, la peau est lisse et bien noire, la chair est dressée sans aveu, sans raison, sans angoisse, sans rien a dire en plus, le vent est sur la route, les échanges sont posés, la chair est ferme, la terre est neuve et les ornières réparées.

Le sol est dur, et dur, et dur, et les petits yeux se contractent, la main posée sur le bâton, il coupe l’air, il fend l’espace et bête, bête, bêtement il avance et dit tout seul en murmurant l’évangile de circonstance, la prière pour les mourants, on n’est pas sérieux, on n’est pas sérieux, les grands vivants sont convoqués, le souffle absout le blasphème, les enfants sont ailleurs, et seuls et bien perdus et sans espoir.

La vie avance dans le vent, le grand souffle, souffle la brisure d’un désespoir, de la misère, il joue au grand et si petit, il avance en pensant aux étoiles, en espérant la liberté, le triomphe et la gloire et recule dans une toile d’araignée. Il faut faire avec, il faut faire pourtant, il faut saisir et croire, la liberté, la joie dans le silence, la joie et l’abandon, dans le vacarme.

11 Août 2007.

1 commentaire:

  1. Le seul est là, dans l’ombre des syllabes. Il attend et entend le souffle du vent. Ce vent venu des mots de Michel Chalandon, de ses mots air, de ses mots chair, de ses mots libres qui mordent le ciel et griffent les clôtures, caressent le visage des lecteurs de passage. Le seul s’abandonne à la lecture, et se cherche dans les mots, se noue aux phrases pour atteindre le ciel empli d’air et de vent, d’amour et partage.

    Le seul repart heureux pour un nouveau voyage en écriture et griffure sur la page du vent. Il trie et regarde, et garde et jette, et revient, et retient le temps. Il ouvre les cailloux et les grains de poussière… les visite, les invite et les revisite. Il en fait des boucles ouvertes, et défait les clôtures sur l’herbe chaude et les fleurs écloses.

    Le vent se brise dans l’œil de la lune en cette nuit emplie de sève et de l’or du temps. Les arbres geignent, ils gémissent dans l’air chaud au goût de miel. Les âmes s’accrochent aux branches et l’on entend leurs voix sur les fils du vent, il siffle et souffle et gratte et claque des dents. Le vide inexprimable à l’âme et tout autour, à tomber l’existence, à tomber le fragile et le miracle. Des chants montent des poitrines chaudes. Des chants libres, des chants utiles, des chants purs pour ensemencer la terre, le monde et le temps.

    Le seul est debout, il jette au ciel ses notes d’espérance, ses paroles de souffrance. Une voix s’élève et dit dans le silence son âme fragile, ses mains agiles et son cœur docile. Une hymne qui chante la sentence d’un coupable en errance.

    Le vent râpe, gratte et arrache la peau de la terre, la chevelure de l’air, les paupières du ciel et les cils de la mer. Il avance et dicte, et recommence sa danse dans la confusion et la joie. La peau de la terre est emportée par le vent, alors la terre refait peau neuve dans ce monde dépouillé où sa chair reprend forme, chair de pierre et de marbre.

    Il est là seul et il va où il n'y a plus de sol ferme. Il livre bataille aux démons de la mort et entre dans l’éternité, seul et dépouillé, il va dans l’air et le vent… il va… .

    La vie est là… dans le vent et le souffle, dans ce souffle de l’âme… il avance et espère, il avance dans le silence qui le porte devant.

    RépondreSupprimer