vendredi 19 juillet 2019

Les fleurs. II



II

La bouche est incertaine.

Il surgit et donne une explication et il prend et dit une chose, une chose, une autre, une construction, une incroyable vérité, le calme est du, à fleur de vie et d’espérance, de cailloux ternes, de verres voilés du sang des pierres, du sable déposé sur le pied, sur la main.

Le brouillard accumulé, l’oppression, la joie enfuie, seul hors du champ, sans mots, l’espérance lancée, il cherche les fleurs et se console aux murs, aux pierres, aux pieds blessés.

Il commente son avenir, le flot, le tumulte, la révolte, la négation, tout avance et rien ne tient. Il se donne en tranchant une once d’espérance, une part de liberté, de vérité, de calme, de repos. Le feu dévore, dévore, tout est franchi, tout est tordu, il cherche les fleurs et compose.

Sur le sentier plat, si lent, la vie, le vent, le rêve, lancent et disparaissent. Par cœur, par cœur, avec le cœur, avec la voix, avec la sève, la chair meurtrie, le pied lancé, la bouche amère, il chante les fleurs sur l’instant, il jette des figures à l’espace, sa faiblesse vient, le mal est sûr.

Il est venu, il dépose les fleurs au tranchant de sa vie entière, en reflets, en reflets, et d’or et d’incendie, de désespoir et de crainte.

Où est-il, où est-il, il vient, il tend la main, il franchit, il a perdu sa trace, il a fait le plus grand du voyage, la part maudite.

Un secret lourd, la vie arrachée, les murs tombent, le calme n’y viendra. Le calme, la sagesse, tout est perdu, les fleurs, tout est inscrit au mur, aux lèvres, les notes sont figées, la chanson est de marbre, l’effroi lisse la main, la bouche est amère, épouvantablement tendu, perdu sur la pierre, sur le secret.

Les temps sont lourds, les temps sont mûrs, épis jetés, épis lancés sur l’épaule, dans le tas de la vie inquiète, sans la nuance, sans rien de bien, de grand, rien de beau. Une spirale, elle tourne sur son vide, il compte les fleurs, les pas et décide.

L’esprit est vide, le temps est seul, et seul il organise. Ô bois sculpté de temps confondu, la terre est lourde, rien ne répond et rien ne tourne, rien ne dit. Il est perdu et sans raison, sans lien, sans louange, mais les fleurs. La vie défile à l’horizon.

Pour que le temps enfin se relève et contraste, moisson petite et lente, je couperai une à une, les fleurs.

28 Juillet 2011.

1 commentaire:

  1. "Elégie du voyageur aux pieds blessés

    Marche le gars ! Marche en gaîté !
    Ce calme jour d'un calme été,
    Où sauf la source, tout se tait.

    Va parmi les grandes fougères,
    Les myrtilles et les bruyères
    Où tant d'abeilles butinèrent.

    La source est là comme un œil clos,
    Pleurant avec de frais sanglots
    La naissance triste de l'eau.

    L'eau pure deviendra l'eau sale,
    La source enfante et pleure ou râle,
    Déplorée par les saules pâles.

    Roule de vulgaires pensées,
    Vieilles et saines et sensées,
    Le gars ! Ô l'homme aux pieds blessés !

    Au bois tu n'as point vu de faunes;
    Des nymphes tu n'eus pas l'aumône
    D'un iris bleu, d'un iris jaune.

    Tu foules les dieux sous tes pas
    Au vert bâton que tu coupas
    Un dieu meurt - tu ne le sais pas ! -

    Ah ! marche l'homme sans déesses
    Ni tutélaires ni traîtresses,
    Marche et tue les dieux quand ils naissent.

    Tue les dieux nés de nos clairs yeux
    Et dans nos âmes; le sang pieux
    De tes pieds console les dieux.

    Les faunes roux et les satyres
    En te voyant feignent de rire
    Et troublent l'eau quand tu t'y mires.

    Tu marches en saluant les croix,
    Du bord des routes qui poudroient.
    Tout rouges de ton sang et froids,

    Les dieux narquois partout se meurent
    Et s'émeuvent les enchanteurs,
    Les fleurs se fanent les fées pleurent."


    Guillaume Apollinaire / Cahier de Stavelot




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