mercredi 26 décembre 2018

Le lent commerce, l’eau est amère.



Sur un chemin, les deux enlacés se tourmentent, une sombre connivence, un air hagard, un air penché. Ils sont à suivre les cailloux, à entendre le souffle, à pas perdus, à pas pressés, la confusion installe leur grandeur, le remord lent défroisse les grands arbres, ils se fatiguent et se dépouillent le corps et l’âme, ils égratignent le temps, ils comptent les dérobades, ils se trahissent au temps compté, ils se défont, ils se détestent et ils observent.

Le temps passe sur la peau, sur le cœur, les rides sont plus longues, les ongles sont fendus, la fierté est en panne, les navires balancent à quai, le mat est lourd, la voile est terne, ils sont en balance, ils sont en attente, ils se défigurent et croisent la cruauté, la chair meurtrie, ils abandonnent, ils se noient.

Dans un chemin perdu, sur une courbe, sur un rien, sur l’étrange beauté des choses, les oiseaux volent, les cœurs palpitent, ils sont bêtes et attachés, ils sont rendus et contraints, ils sont à dire, la force brute, le grand courroux, le soir perdu. La vie avance, les cœurs flottent au large sur des radeaux trop grands, trop loin, mouillés dans l’anse, mouillés, perdus et sans histoire.

Ils se commentent, ils s’entendent, ils respirent et forment une armée, le gouffre est là, les chiens aboient, le cœur est à l’étroit, les ombres sont plus longues, longues.

Tout se tait, rien ne commence, ils sont opposés, ils sont à l’écoute de rien, ils sont perdus et sans musique, ils sont dégrafés et contraints, ils se lamentent et on les quitte.

Il n’y a rien à espérer, il faut croire et croire et recommencer, sans trembler, un pas de plus, un pas de loin, une fortune pour ces anges, une torture pour leur cœur.

Il est en avance, il est arrivé, il est à reconnaître et il soutient d’un œil sensible, d’un coup d’épaule, le lent, lent commerce des âmes et des jours, des drapeaux tombés sans bataille. Le froid est vif, le froid est lourd, l’eau est amère.

Il faut sans trembler entreprendre et conquérir, et se prendre dans l’aventure et couler au fond et frapper du pied le sable et recommencer sans penser, franchir d’un saut la grille, forcer d’un genou le sol fuyant.

La vigueur débordante, ils se repentent et entendent : la vie est là, la vie y vient, il faut chanter dans les haubans, il faut ouvrir son envergure, il faut terrasser le malheur et il faut croire, croire, croire.

2 Mars 2009.

1 commentaire:

  1. "Le remord lent défroisse les grands arbres.". Sans parole ils traversent le jour, ils conjurent les ombres et crachent leur pénombre. Et là-bas sur le chemin où les cailloux avancent, ils lèvent leurs bras au ciel et griffent les nuages épinglés dans le bleu de l'air.

    Combien repartent ainsi avec dans le cœur la joie d’avoir adjoint au silence intérieur la découverte d’un monde entrevu dans les méandres du temps. Quel que soit leur voyage ils s’enfoncent dans le temps et suivent sans comprendre d’étranges voyageurs venus du fond des âges.

    De cette lamentation silencieuse naît l'homme en un monde nouveau. Là-bas si près, si loin, où les eaux s'écoulent lentement. Le regard aimanté vers le gouffre de lumière, vers lequel chaque jour il plonge.

    Sans trembler, sans frémir, il lève le pied, tend les bras et s'accroche aux nuages qui passent. "Là-bas… là-bas… les merveilleux nuages.".

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