samedi 1 décembre 2018

Sans rien dire, sans rien faire.

J’irai, je planterai le même drapeau, je forgerai la même bannière, j’étalerai toujours les draps du lit au carreau. La violence est ancrée, la violence est en marche, le tour du bois est beau. J’irai finir et pleurer sans entraves, et laisserai aller au terme le repos. J’irai, engranger, enlacer, dérouler la chamade, descendre à l’infini et poursuivre. La joie ce matin éclate sur la rive, le tremblement est sensible, la volonté est forte, les espoirs sont déçus, la solitude est immense, le soleil ronge l’os, le vent est supportable, les idées sont tombées.

Le tremblé est revenu, il y a dans la main, il y a dans le vent, une histoire à conter, un désespoir à lire : la liberté est faite d’ennui et d’espérance.

J’ai vu le bateau qui passait loin de moi, j’ai vu la souffrance qui calculait le rêve. Les temps sont mélangés, les genres sont perdus, il y a sur cette terre un goût de rêve et d’absence. J’admire, je retiens, je roule et je comprends l’air sur la peau, le soleil jusqu’aux os, le cœur à fond perdu. Je retiens la saison et je retiens le vent : le signal est en panne. Je retiens les soupçons et je grandis devant, je referme les yeux sur les fleurs des champs, en arme je jongle avec le grain, je jongle avec la vie, le sol prend mes sens, la course est infinie, les mondes se rappellent, les bruits révèlent le mystère.

Les hommes ont tremblé, les hommes ont crié, ils ont foulé le sol, ils frappent le métal, ils tapent sur les troncs. Ils veillent, les amants, la pression est intense, la pression est forte, ils se foulent et perdent pied et se noient dans les draps, dans la sueur, dans le souvenir, les rencontres, sous l’arbre aux doigts penchés, sous l’arbre aux doigts levés, le rien se renouvelle, l’immensité se donne, ils sont éveillés et pleurent, se défigurent et geignent et retournent à l’eau, sur le dos, sur les reins, ils frappent et recommencent.

La vibration est lente, le calme est revenu, j’aime sur le naufrage défigurer l’absence, j’aime la voix qui craque et le hoquet qui tourne, j’aime les refus donnés et le repli perdu. La peau est irritée, les fils s’étirent, le souvenir est loin, le souvenir reviens. J’ai vu le lendemain une distance entière, j’ai sur la volupté un regard ébloui, j’ai dans le jour qui danse une ferveur sincère. Je suis au masque gris pour jeter la rougeur, je suis au masque blanc pour dire et reconnaître.

Le sanglot est lointain, la pulsation est grave, le rythme est lent, bien lent, il n’y a pas d’affrontement, il n’y a pas d’embuscade, je passe et je repasse dans la boue, séchée, sans âge et sans goût. Entre l’herbe et le ciel il y a la lumière, il y a les yeux perdus, ils raclent le sol, il y a l’infini du dire, du mal faire, il y a la banale beauté, il y a le silence sans âge et sans attaches.

Un, deux, trois, un, deux, trois, je me mêle au ciel, je me mêle au vent et j’attends le miracle, j’attends la chaleur nouée sur la branche penchée, j’attends le grand sommeil et j’attends l’explosion, la liberté est là, les oiseaux en profitent, attachés à l’arbre, à la saison, au nid, au rite des amours, aux couples qui lassent de dire et ne rien dire et tout recommencer. Je suis frappé de stupeur, les oiseaux pleurent, ils griffent les épines, mordent la chair nouée, mordent le temps perdu, mordent les yeux aveugles qui font le retour clair.

Le vent soutient le calme, l’air défroisse l’horizon, au matin ce repos comme l’après- midi du calme, dénoue les muscles las, déforme les bras durs, défait le talon craquelé et sauvage qui mord à chaque pas le sol de sable et de boue. J’ai brossé mon talon et j’ai rangé mon peigne, la brosse a creusé les rides, les sillons, le corps est fatigué, l’âme est redoutable, l’hiver viendra bientôt et je suis dans le masque.

Le blanc, le noir, il faut trouer et passer au dessus et rejeter le gris et finir dans le rouge et voir le bleu, le jaune et chanter les couleurs. Le reflet sur l’eau envoie un vieillard sombre. Il touche à sa tête une raideur adolescente.

J’ai étendu les boucliers, j’ai déposé les bannières, je dépose le casque, et je montre le muscle. L’illusion est immense et le regard au sol, le cou trop raide pour lever l’œil vers l’horizon, le cou est trop raide, je suis seul sur le sol et personne ne voit et j’entends les oiseaux qui pleurent et se lamentent, j’ai toujours sur les yeux le masque des batailles : que dieu se montre seulement.

Enfant perdu, enfant trouvé, grandi et dévasté dans la liberté et la chaleur, la peau cuivrée, les mains en émoi, le cœur sur l’horizon et les yeux dans la fange, redresse un peu le cou et voit plus loin, le soleil est en haut, il faut avancer et chercher les étoiles cachées dans la lumière. Le pied foule les herbes et racle la poussière, rien ne souffle, rien ne se voit, le temps est suspendu sur l’arc des illusions, le calme est rentré et le cœur s’éteint.

Je suis à mon soleil, je suis à mon ambassade, je défriche le vide et sème le néant sur le plat, au niveau où les yeux posent une larme, tout est menacé et finira peut être, sur le sentier, je vais à mon chantier, je traîne la douleur, le silence sur le plat.

Le sol est déboisé de branches mortes, ils ont jeté la cire à la nuit sur le sol, ils étaient attroupés, ils sont partis en force, ils rentrent dans le cercle et volent mon ardeur.

31 Juillet 2008.

1 commentaire:

  1. "Compère qu'as-tu vu ?"

    J'ai vu au plus chaud du jour la lumière comme une éclaboussure. J'ai vu l'ombre des arbres faire un lit aux oiseaux. J'ai vu sous les rameaux Israël libéré. J'ai vu entre les branches une étoile… une lune. J'ai vu au fil de l'eau le regard de l'homme. J'ai vu un voyageur venu du fond des âges. J'ai vu un coin de terre dont le nom fait rêver.

    J'ai vu … j'ai vu … … oui, j'ai vu "sous l’arbre aux doigts penchés, sous l’arbre aux doigts levés" des hommes qui avancent, et luttent sans relâche à la sueur de leur front, goutte à goutte contre l’inexorable.

    Pour qui ? Pour quoi ? Pourquoi ? Pour qui ?

    Un deux trois… le ciel se lamente, le pied est dans la boue, la tête dans le nuage sans âge où la lumière crie. Un deux trois… les oiseaux lissent leurs plumes sous les pleurs du vent, et tout se noue se dénoue et se renoue dans l’inextricable.

    Enchaînement figé dans le temps emmêlé.

    Voyageur sur la terre, il lègue ses souffrances aux humbles passagers, aux chemins, aux sentiers, et aux soleils couchants. Dans sa voix une larme lui apaise le cœur, oiseau rouge dans la cage de sa poitrine en feu, oiseau rouge écorché, résigné dans ce jour en morceaux.

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