dimanche 25 novembre 2018

Ce mélange.

Il n’y a pas de brouillard, il n’y a pas de prière, des cailloux, du ciel bleu, des roseaux verts, tout est vert et tout se noie dans le vert, dans le bleu. Il y a un paysage différent, que j’avance et que je suis, et je suis des cailloux, un à un sur la route, sur le chemin. Aujourd’hui il n’y a pas de poussière, le chien avance droit devant, le ciel est bleu et les herbes sont vertes, les roseaux tournent dans le vent, tournent doucement.

Je suis sur les cailloux, sans trembler j’avance et j’avance et je file droit, sur les cailloux blancs. Il me vient au visage une douleur, une rougeur, le soleil tendre, le soleil tape, j’avance, sans trembler, vers un destin et la borne blanche et la mousse.

Pourquoi sans trembler, je suis, j’avance, quoi qu’il arrive j’avance et je vais au devant et je devance il y a sur mon cœur tant de choses accumulées il y a sur mes yeux des lettres qui se brouillent, il y a dans l’attente des remords assoiffés, je suis sur le chemin, je meurs d’éclats de soleil je tire des éclats de rêve sur les flancs ils se battent les doutes et les rêves, il y a aux remords des yeux écarquillés des lèvres qui frémissent des cœurs qui ne comprennent, je tire droit devant et je tire sur la corde et file dans le temps et je dénoue un à un les nœuds de cette chose il y a de l’effondrement et sous mes pas l’herbe se foule et je couche un à un les brins et je range une à une les boîtes et j’accroche au soleil uns par unes les mots et les devises je suis du premier monde, je suis du premier tout, et j’enclenche une à une les clefs dans la machine à chaque porte un verrou, à chaque clef une fenêtre et je retire la devise et j’accroche une bannière, au devant d’une rangée d’arbres, au devant il y a des oiseaux, des rumeurs, de l’ardeur, de la chaleur, des herbes écrasées et le pas des chevaux et le pas des taureaux.

Je vais sur ce chemin, je vais sur cette route je vais à l’avant je vais à l’abandon, je vais à la déroute et je compte les arbres et je compte les poteaux je compte les traces, je compte les signes je compte les fleurs, je suis éperdument en déséquilibre je suis seul et j’avance et mon chien me précède et je pense à ceux là qui sont loin et m’oublient et j’oublie ceux si près qui sont là et attendent. J’aime sur ce carreau compter les yeux des gens, j’aime entendre le rire.

Je suis sur le devant d’une chanson qui tire des sanglots au cœur des endurcis qui tirent à la ligne et forcent du fond de l’eau les monstres et les signes. Et au loin où j’avance, il y a des remords, il y a des remous, mais l’eau est calme. La lumière en plein cœur les oiseaux sur les branches, les arbres au devant, l’herbe verte sous le pas, j’avance et roulent dans ma tête les idées et les genres et roulent sur le front l’espérance de tout. Le trait est forcé et trop dur, la violence est entrée dans le front et je tire sur l’eau une rame d’absence, le visage, la marche forcée, le cri trop entendu, j’essaierai sur le devant de faire des ronds dans l’eau, je suis sur ce chemin où je vois des bateaux, où je vois le pont, où je vois la muraille et à la main j’ai la corde, le fil, le câble, et dans la tête pourquoi ai-je un pendu, pourquoi se balancer au bout de cette corde, pourquoi vouloir partir, pourquoi abandonner et pourquoi fuir. Je suis sur le chemin et j’avance et la mort dans ma main attrape ma liberté. Je vais passer d’une rive à une autre et fuir ce lieu maudit et retourner là bas et dire tout joyeux, tout va bien ils sont là, je suis là, j’avance, je me porte et je charme.

J’entasse des visions, j’entasse des sensations, j’avance et je recommence et je définis à l’avance la forme et j’avance, vision et sensation et je ne chante pas, j’avance et je décris. A l’enseigne, devant moi, il faut contempler la gloire et rendre grâce au soleil et dire à jamais, le front est relevé, le défi est lancé, les bateaux sont à quai et ils vont partir, il y a sur ce pont des points d’espérances des ficelles en boules, des repos des ardeurs des avances qui vont, des trous dans la soupente, un plancher refendu, une histoire en haut, j’avance sur le chemin et le soleil tape et chauffe mon esprit et il chauffe bien trop et je suis en délire et je livre ma clef, tout se mélange et tout finit et la honte et l’orgueil et le repos et les outrages et j’avance, au loin cela brûle, au loin cela flambe, le soleil est chaud mais l’air rend respirable la vie et son fardeau. Loin, bien loin de la phrase, les images se choquent et perdent tout discours et je racle le fond et je racle la vase et remonte et le beau et le lourd et le loin. Les buses, les cerceaux, la cadence infernale, la fumée monte au ciel et les oiseaux descendent, le vent se lève, les nuages vont et j’hésite entre le cœur et la raison. Les liserons bien blancs me renouvellent, j’entends encore l’écho inachevé des voix qui sont lointaines et vont se taire et revient dans ma main la corde du pendu.

Qu’y a-t-il dans cette pensée qui traîne un pas qui doute, un pied qui gicle, un cœur troué, une avenue sans âme, un étang sans eau, un cheval démonté, ils sont remontant de la pensée, de l’âme, du cercle, du renouveau, de la liberté. Et j’ose sans frémir dire que rien n’avance, que le temps est en haut, que le soleil est bas, que je répète et recommence et vois venir du loin le charme et les combats. Les mots s’entassent l’un sur l’autre, leur poids est lié à la conviction, il faut articuler, il faut démontrer, il faut reprendre, il faut donner, il faut appuyer là où il faut que la phrase se creuse, que le discours s’établisse et que les gens pleurent. Il y a ce midi une odeur d’aube mouillée, l’aurore pourtant est loin, la chaleur est diffuse, le ciel est en haut, le soleil un peu bas, remparts et oiseaux, à la cour, au jardin, au lointain, au devant, au profond, il s’époumone et revendique enfin la gloire et la beauté, la liberté et il respire.

Quelle sensation d’impuissance et d’abandon, tout se mêle se répand il n’y a plus de ligne il y a des traces, une bulle après l’autre explose sur la route. Le soleil l’a perdu, le soleil me brûle, le soleil m’a perdu, le soleil m’a brûlé, j’avance et dis n’importe, n’importe où devant, n’importe où derrière. L’histoire est en mélange, au bout de ma corde il n’y a rien plus même un pendu, plus même une libellule, et j’arrive et je dis, le ciel est en bas, le soleil est en bas, il y a un reste d’aurore dans ce midi de fil à plomb. Ce mélange s’entasse au fond de mon panier, mes bras se plient, je n’ai plus de force, il faudrait trier, il faudrait jeter, il faudrait abandonner, il faudrait brûler, il faut tailler, coupe et recoupe jardinier malhabile, et pose ce qui reste, il n’y a qu’une phrase, le panier est certain pour rompre mon ennui, pour laisser un trace, pour occuper la vie, pour couvrir le champ, pour donner l’impression de tailler des cailloux, pour que monte une maison, pour que s’ouvre un chantier, je suis parti au loin, je suis parti de rien, je visite et j’attends et j’hésite entre les images sur le chemin, entre la peur, entre les rires et le loi, pour bien parler, pour bien avancer, pour bien enfanter sur ce chemin, j’hésite entre l’art et l’émotion, entre la construction et l’impression, tout est juste, mais tout est-il à dire, qu’en faire, que proposer, inventer est nécessaire, la corde et le feu, le pendu, le cadavre, j’avance, je glisse dans l’air, je glisse dans le temps, il fait chaud et ce midi a pourtant un goût d’aurore.

24 Juillet 2008.

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