vendredi 2 novembre 2018

Ils soufflent tout.


Ils ne chantent pas la fumée, ils n’arrachent aucun bandeau, les yeux pleurent et le nez coule, la fumée lève les soupirs et les sanglots, il flotte sur le temps un air de feu et de sang, ils arrachent de l’herbe aux chemins, ils pleurent, ils sanglotent et nul ne chante la fumée, les airs s’ouvrent et dévoilent le temps dans les nuages, la fumée est sur les lèvres, sur le temps, ils passent et pleurent, gémissent et sanglotent, le chant perdu, la voix éraillée, la fumée dans les poumons, le souffle est court, court, le souffle est court.

La pointe abîme l’âme, les poumons palpitent, le nez dans la braise, le souffle court et enragé, la voix est éraillée, les notes se pincent, les yeux coulent, le nez est dans le feu et ils soufflent sur la flamme, sur la flamme, sur la peau, sur la résine collée au bout du doigt.

Il pleuvait, sous le ciel mouillé et triste, ils soufflaient sur chaque braise du foyer, sur chaque éclat et dans les livres ils ont cherché escarbille, escarboucle, boucle, boucle d’or, bouche cousue et ils soufflent sur le feu, sur le temps, sur l’espérance, sur l’incendie, les bijoux brillent dans les yeux, dans les poches, les branches vertes bouillonnent, le feu est dans le cœur, dans la bouche, sur le nez, dans chaque pore, ils sont essoufflés et tristes, épuisés, abattus et perdus dans l’air rare, la peau est sèche et ils brûlent, les yeux sur chaque flamme, sur chaque doigt attardé dans le chaud, dans le brûlant.

Les tiges vertes bouillonnent, le feu éteint revient et ils arrachent une autre série au froid, au trouble, au remord, la vue est brouillée, les tiges vertes bouillonnent, ils accrochent aux yeux leurs sourires, leurs certitudes, ils sont noyés dans la vie, dans le feu, ils mordent dans le temps et déposent une à une chaque branche de l’arbre taillé, retaillé, ébranché, fatigué.

Ils ne chantent pas la fumée, ils respirent des embrassades, des feuilles une à une, arrachées, tordues, déposées au feu, au vent, à l’abri, dans la chaleur et dans la lumière, dans le repos terrible, ils se posent un contre l’autre, dans l’oubli et le refus, dans l’abandon, la fumée, berce et concentre, ils sont noyés dans le refuge, dans le chaud, dans le lumineux, la lumière est forte, le vent souffle, les flammes tombent et ils soufflent et tout recommence.

Les doigts sont noirs, les doigts sont lourds et collés de résine et brûlé trop près, si près, dans les flammes et dans la chaleur, ils soufflent et leurs nez coulent, les escarbilles montent au ciel, ils se défont du remord, tout part dans la fumée, dans le vent vers le ciel.

Les soupirs, les sanglots, ils enchantent la fin, ils séduisent le mal en feu, le mal brûlant, la calomnie, la peur, le doute. On ne chante pas la fumée, on n’arrache aucun bandeau, les histoires brûlent, brûlent, le feu agrippe le malheur, le feu hésite et recommence, ils sont trop près et ils se brûlent aussi si près des flammes, des cercles de fumée ils montent vers le ciel et ils atteignent les oiseaux. Les doigts brûlent, les âmes brûlent, rien n’y fait, le feu dévore, il crépite et détruit, sur la pierre, sur le temps, il défait les cercles du bois mort. Le nez dans la braise, ils regardent et comptent un, deux, trois, ils arrachent une brindille et poussent la flamme vers le haut, un, deux, trois, la flamme vers le bas. Ils ont vu, ils ont vu, ils voient et ne sentent rien, le nez coule, les yeux pleurent, les yeux pleurent, le nez coule et ils soufflent le visage à la flamme. Ils ne chantent pas la fumée, ils n’arrachent aucun bandeau, au jardin, ils brûlent, brûlent leurs espoirs et la vie passe.

9 Avril 2008.


Le feu mouillé

Très loin sous l'eau le feu est allumé
le feu de pluie trouant la lucarne des mers
Mille saisons de sècheresse
ont en vain tenté de l'atteindre
Lampe veillant en profondeur
Ce feu mouillé derrière la vitre du rêve
ne veut pas dévorer les feuilles de la terre.

Pour lui l'arbre est fluide et l'herbe toujours souple
le sel liquide brûle et pourtant vivifie
les jardins ravagés donnent toujours des fruits
la braise de la joie coule mieux que les pleurs

Loin dans le temps l'hiver allume sa mansarde
Les fleurs du jour qui tombent dans la nuit
les larmes d'or que la mer engloutit
forment l'humus où germent les soleils.
Sur tout l'onde éternelle étale son glacis.
La vie la mort sont une même flamme.

Louis Guillaume,
(pour Gaston Bachelard)

2 commentaires:

  1. .. et le poète à franquevaux souffle sur le feu de la poésie et c'est très beau..

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  2. Le feu mouillé

    Très loin sous l’eau le feu est allumé
    le feu de pluie trouant la lucarne des mers
    Mille saisons de sècheresse
    ont en vain tenté de l’atteindre
    Lampe veillant en profondeur
    Ce feu mouillé derrière la vitre du rêve
    ne veut pas dévorer les feuilles de la terre.

    Pour lui l’arbre est fluide et l’herbe toujours souple
    le sel liquide brûle et pourtant vivifie
    les jardins ravagés donnent toujours des fruits
    la braise de la joie coule mieux que les pleurs

    Loin dans le temps l’hiver allume sa mansarde
    Les fleurs du jour qui tombent dans la nuit
    les larmes d’or que la mer engloutit
    forment l’humus où germent les soleils.
    Sur tout l’onde éternelle étale son glacis.
    La vie la mort sont une même flamme.

    Louis Guillaume (pour Gaston Bachelard)

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