jeudi 1 novembre 2018

Sous, sous.

Sous le haut, sous le bas, dans l’air calme, dans la prison, sur le chantier, il appelle, il est, il est, étendu et perdu et sans rien et premier et promis et retourné sur le côté, sur le tranchant de la lame, dans l’air chaud, dans l’air froid, sur le tranchant, il est penché, éperdu, en attente, sans rien aux mains, sans rien aux pieds, tiré sur le côté, perdu et penché, sans rien, une pauvre ficelle, une corde, un lien, un rien du tout, du tout, du rien, ni plus, ni moins, il se penche, s’étire et il est sur le tranchant, sans vie, sur le clair, sur le temps, sur la terre, sur le chantier, en prison.

Les oiseaux appellent, ils recommencent, il compte les passages. Le pas lent, sonore, il est penché et tourne les yeux sur le pied au sol, il entend et les oiseaux passent, ils passent et tournent et volent, sotte bécasse, vilain canard, petit et perdu, sans raison, ils tournent et passent et recommencent.

Le tronc est coupé, les oiseaux passent et tombent les fleurs et le rosier rare et sans rien, sans rien sur l’écorce, il frotte et recommence et il tire écharde après écharde, le mal inscrit et tourmenté et pleurant et sans joie et sans ardeur et sans rien du bout du doigt, du bout du temps, du rien au rien, il se lamente des profondeurs, il crie et gratte la peau, le marbre, le sang, les fleurs tombent, il y a sur la terre un bout de sol un bout de ciel, et de l’eau tombe, et il reprend sur le dos de la main, il érafle, il érafle et se consume, il souffle et il souffle sur le dos de la main, du bout du pied il gratte, le sol est retourné, noyé de pluie et de sérieux et repris sur le dos de la main, il allonge, le regard, les yeux coulent entre les gouttes, sur le refus, sur l’indécision, sur la paix à revenir, le calme à préserver, le rien à dire, il est penché sur le sol et gratte, gratte.

Sous le haut, sous le bas, le temps est calme, le temps est à l’abandon, le rien est posé sur le sol, sur la terre frottée et reposée, il enfonce les yeux dans la noirceur, la terre est froide, le temps est court, les yeux au loin, ils passent et relancent, les grains, les cris, la peur, le sol est lavé, délavé, rincé, sans rien, il tombe et lance, lance le tout sur le loin, sur la liberté, les heures chauffent, le temps est court et perdu, il commence une autre soumission, il est étendu, il est absorbé, les oiseaux tournent, ils battent, battent, l’air, le temps, l’eau, l’eau, ils tombent et reprennent et défont.

La peur tourne sur le ciel, le gris au cœur, le sang au bout des doigts, la peau racle, racle, le sang au bout des doigts, et il se frotte un œil et l’autre, le sang au bout des doigts, il espère et le ciel tombe avec ses oiseaux, avec sa grimace, avec un effort, avec le temps passé, la peau blessée, les doigts meurtris, pleure une larme et du sang au bout des doigts, il frotte, frotte et les oiseaux passent, il n’y a rien à voir ni à penser, le temps glisse, les doigts en arrière, se touchent, il est en avance sur le rien, sur le dire, sur le faire, sur l’espérance, les oiseaux tournent et le bec frappe le ciel, ils se heurtent et tout résonne, rien n’est prévu, rien ne se donne, rien à prendre, la lumière file, file, les oiseaux tournent, rien à voir, rien à dire, le sang est seulement au bout des doigts.

Raclé, tordu, perclus, attardé, il se retire de la vie, il se penche sur l’autre monde, les oiseaux tournent, le matin fut triste.

8 Avril 2008.

1 commentaire:


  1. Il lève les yeux, les yeux dans les arbres, et récite Nerval. Le ciel est pâle et lui est sous l’arbre. L’arbre sous le ciel, le ciel au-dessus de tout. L’arbre s’effeuille, se déchire, se disloque, et part en lambeaux. Le ciel est maudit, et lui est perdu, éperdu. "C’était bien lui, ce fou, cet insensé sublime. Cet Icare oublié qui remontait les cieux"*.

    "Les yeux coulent entre les gouttes"**, dans l'ombre qui ruisselle. Des yeux perdus à deviner le ciel penché sur l'horizon, et sous l'écorce la chair du temps qui se consume.

    Sous le tout et le rien et le reste et le rien, et l'absence, et le poids des saisons et du temps, et les larmes de la pluie qui lavent les moissons, le désert et ce point perdu à l'horizon. À peine un point, une poussière qui se défait et se fond entre le ciel et l'eau.

    "Le matin fut triste"**, c'était hier, il y a mille ans. Une présence dans la pénombre éclaire la grisaille du jour d'hier, éclaire d'un sourire la route du ciel... ... dans quelques heures à peine l'aurore sera.


    * G. de Nerval
    ** M. Chalandon




    RépondreSupprimer