vendredi 16 novembre 2018

Un lendemain à chaque jour. 2

Il est calme, sombre, essoufflé, une fleur bleue sur la grille. Il avance et il compte le temps, il compte le rien, il avance encore, il dit tout bas, je parle de liberté et je parle d’amour et je parle de rien et j’avance, encore et toujours et pour toujours j’avance. En entendant tout, en voyant tout, en pensant tout, en sachant tout et j’avance vers le jour, le jour sans lendemain, le jour du compte, le jour des erreurs, le jour du sanglot, le jour du cri, le jour du malheur et le jour des cailloux sur les planches.

Paisible, sombre, il foule la cendre, il foule le temps, il passe sans trembler, sans crier, sans espérer, il murmure, murmure, j’avance vers le jour, le jour sans lendemain, le jour perdu, le jour perdant, le jour des erreurs, le jour des comptes, le jour du boisseau, le jour de la balance. Je reviens, je repars et j’avance. Au ciel bleu un drapeau rouge flanche, tressaille, se répand. J’avance, et j’avance, au jour sans lendemain, au jour perdu, au jour de la renaissance, au jour à côté, au jour d’indépendance.

Les oliviers, les oiseaux et les enfants perdus sur le ciel bleu, perdus sur la terre noire, perdus dans le sol rouge et la poussière. Aux herbes, aux cailloux, à l’avance, au repli, au repos. Le ciel, l’été se lamente, l’été se tourmente. Avancer et prédire, sans comprendre, sans cueillir, juste voir et sentir, voir et sentir les fleurs en bout de vigne, les rosiers roses, les rosiers rouges, le ciel, les nuages gris, les nuages qui passent, et le chien s’arrête. Ils ont croisé le temps.

Ils ont croisé le vent, ils ont laissé la route et repris le chemin, il gratte du pied, il gratte du doigt, dans la poussière rouge, dans les herbes qui piquent. Un bord de l’eau, boueux, un bord de l’eau, saignant, il est calme et paisible et si grave, sans destin, gardant et rien ne tombe, il attend et rien ne vient. Il est plus bas et perdu, il est plus bas et tordu, il avance sur le chemin, et rien ne vient et rien ne va, il pousse la cadence et il augmente le pas, il avance, l’air, les cailloux, les roseaux et les cannes.

Les amandiers, les feuilles sèchent, les insectes volent et les cailloux bien ronds, le pied glisse entre l’air et la terre. Il avance et reprend et répète et recommence et chante la cadence et soutient l’atmosphère, il se remplit d’air et défonce les cailloux et repose les yeux sur le jour sans lendemain, sur le jour des adieux. Il y a à entendre des chansons, des sourires, autant d’effusions et des contes. Les mûres rouges perdues sur le chemin, sanglots effacés, sanglots liés. Il avance, il est perdu.

A la rencontre de l’été, à la recherche de la joie, il est calme, grave, serein, certain, grave et calme, où est la joie, où est le temps, où sont les rires, où sont les chants, il y a des pleurs et lavandes et luzernes. Il recommence, des animaux mangent, le chien est perdu, il est triste, seul et grave et perdu. Il connaît l’or, il connaît la fange, il connaît le cœur des hommes et des animaux, il voit sur cette étoile le pas de la liberté et la chanson des animaux.

Il en est perdu de reconnaissance, rencontre des ânes et de la vieille femme, elle s’abandonne, fouette l’envie et se donne une belle apparence, il pensait sa mort imminente. La vue du jour sans lendemain : un avenir à prendre, une ferveur à conquérir, une félicité de l’âme. Un rien bien en avance chante et palpite et se caresse et retourne et donne du plaisir et ouvre la volonté. Il a oublié, il était parti.

Pour la joie, pour reconquérir la joie, sortir de la solitude, avancer vers le bien, avancer vers le beau et laisser bien loin le mal. Il rencontre des plumes, il rencontre du temps, il rencontre du vent, il rencontre du gris et des fleurs jaunes et bleues et de l’herbe verte encore, l’été est loin, l’été s’en va. Il avance et se tord les pieds sur les cailloux, il avance et se tord et plie son pied dans l’herbe et plie son pied sur les cailloux. Il tourne et roule.

Il avance, où est la joie, il cherche et ne vient pas, où est le contentement, où est la paix de l’âme, il avance et il cherche et il cherche une voie. Tout en poursuite, tout en avance, tout temps perdu et tout recommence, il a perdu, il pense aux orages, il pense au ciel bleu, il pense à la mer, il pense au lac perdu aux eaux si sombres et noires, mais où est la joie. Sans fléchir, sans trembler, sans perdre, il recommence, il cherche la joie, il cherche une voie il avance.

Sur le chemin, il n’y a plus de poussière, il n’y a plus d’aube, il y aura demain un jour avec demain, proche de la joie, loin du tourment, si proche. Sans trembler, il avance, où est le repos, où sont les trouvailles, il a vécu si fort, il a vécu sans sourire, il a vécu en serrant les dents, en serrant les mains, en serrant les poings, en pinçant le nez, en tirant la corde, sans joie, sans danse, le chant était pour la cérémonie, on dira ce qu’on veut, on le dira.

Il revient, il retient, il embrasse et avance, on dira viens voir, viens entendre viens sentir, viens ressentir le temps, éprouver et refuser l’angoisse, viens chercher ici la joie et le temps, la joie pure et le temps clair et le ciel bleu, écarte d’une main, d’un doigt sauvage, écarte d’une main et d’un doigt sauvage le gris au ciel, pense à la joie pure de l’été, à la joie bleue, à la joie intense. Il avance, il marche, il ne compte pas les pas, il ne compte pas les cailloux, il retient son pied.

Il ne veut pas qu’il glisse, assez glissé sur les cailloux, assez tordu, il avance vers la joie. Faire un dos, faire un pied et une jambe et oublier le mollet blessé, et vivre dans la joie et espérer sans trembler, sans trembler, et attendre le ciel clair, attendre le ciel bleu, le matin qui frissonne, il se dépense et recommence et répercute et avance il faut oublier et la mort et l’oubli même, recommencer et penser à la joie, aux oiseaux, ils tournent, au ciel bleu.

La vie recommence, la vie est en marche, il faut fourbir son ambition, il faut maîtriser ses armes, il faut avancer et quitter l’atelier et partir sans trembler, bâton à la main vers la joie, vers la vie, vers le lendemain, vers le lendemain qui aura toujours un lendemain. Il avance, il respire, il bat sur la campagne et frappe, plat de la main, plat du soulier, et le sol et l’eau et le ciel et l’azur, et il chante.

Il exalte, il élève, vieille dépouille au sol. Il avance, il commence, il recommence, il marche le pas ferme, le pied ne glisse plus, les cailloux s’enfoncent, il avance, il respire, la joie et le rouge et le bleu et toutes les couleurs, il avance, il a perdu, il a perdu le drame, il a perdu l’horreur, il reste la joie simple et bleue.

Qui avance, aux nuages gris qui s’en vont ?

16 Juillet 2008.

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