jeudi 29 novembre 2018

Toujours soumis, toujours en transe.

Il avance et se torture et se griffe sur le chemin, il tourne et il vire, la vie est angoisse et amertume, il faut purger, vider, améliorer, souffrir et recommencer, croître, embellir, composer, décomposer, recomposer, bâtir, construire, élever, il avance sur les cailloux, il se frotte d’angoisse et d’amertume, toujours du drame, toujours du temps, toujours du sens, de l’angoisse, du fiel, aigreur et repentance, longueur et finition, où sont-ils, où vont-ils, que sont-ils, que font-ils, ils avancent, le temps revient, le temps retourne, les oiseaux volent, les oiseaux tournent, il est dans l’obsession, il est dans l’apparence, il est bien loin de la fulgurance, il avance, il cherche, il ne trouve rien, ni mots à dire, ni mots à pleurer, ni mots à sangloter, en finira-t-il.

Ô, langueur, ô, douleur, ô, avenir brisé, avenir perdu, incontrôlable et démesuré, il se cherche et il ne trouve rien et il ne trouve rien, il se cherche, il avance, il avance, il se cherche mais il ne trouve rien. Les mots, les perles, les cailloux, cela tourne, cela file, cela s’entasse et poussière et vent et herbe brûlée et herbe séchée. En finir pour recommencer, éclater, éclater la douleur, éclater l’amertume, renoncer, abandonner, pardonner, résilier. Il ne veut plus de ce contrat de dupes, il ne veut plus rien que chanter la joie et la douceur et finir au creux de la terre, au creux de la mer, au creux du vent, au creux de l’air et il disait, et il chantait : la vie se refuse, boire, boire leur éclat, boire leurs larmes, boire et refuser, abandonner les conventions, et renoncer. L’ordre, le proche, le loin, le tien, le mien, ô, douceur, ô, valeurs, ô, l’or dans la main, ô, l’or qui coule du bout des doigts, qui tombe dans le bol, qui tombe dans la tasse, il en finit un jour de ces images, il en finit un jour et il entend le son de la terre en émoi. Les bateaux passent, les oiseaux passent, le chien pleure, il avance, il regarde et il noie son chagrin dans l’eau boueuse, dans le trou. J’avance et je marche, je poursuis le rêve, jamais le temps ne s’inverse, je rêve à contre temps, je rêve à contre poids, je rêve et je m’invente, j’avance sur le chemin et le pied glisse sur l’herbe, et foule les fleurs bleues et foule les fleurs roses. Contre l’orient, contre le drame, j’avance et glisse sur l’eau et glisse sur l’air. Miracle, il avance, il a la parole, le remord est oublié, l’angoisse est enfoncée. Il entend encore, le tic tac de la machine, le tic et le tac du cœur qui passe, du cœur qui avance, l’orage est passé, l’orage est perdu, la volonté est en marche. J’abandonne la soif, j’abandonne la faim, je cherche le bleu unique, le tremblement infini, il va passer.

Les oiseaux passent, plongent dans le bleu, dans le vert, le temps passe et l’air s’illumine, le remord glisse et l’aveu s’insinue. Il avance, il est tendu, et je voudrais briser le drame et je voudrais briser la tragédie et chanter, et chanter : douceur et palpitation. Douceur et tremblement, il faut que le bleu passe, il faut que le bleu enlace. Il est comme une chanson donnée au temps sans y croire, jetée au vent, perdue, les cheveux s’effilochent, le vent couvre la mer, le temps est suspendu, mais tourne et tourne et avance, suspendu, il tourne, suspendu, au dessus, j’avance et je tourne et je revois le temps et je revois le remord et je revois l’angoisse. Faut il terrasser, faut il enfoncer, faut il enterrer, je passe et j’avance, là, les chardons éclatés, je tourne et je me noie dans un tourbillon de mots pauvres et inutiles, pauvres, bien peu nombreux et filtrés et désossés et désarticulés, sans rien dire, sans rime, sans raison et j’abandonne, et j’abandonne le regret et j’abandonne le remord et je me tourne face au soleil. Il a dit : prière en caressant la peau, je reviens du périple, je reviens de l’angoisse, je reviens du fond du temps et de l’espace, j’avance et j’efface en raclant, en traînant le pied sur la caillou, le pied dans la poussière et je me lave dans les herbes sèches et je brûle au soleil éventé, les oiseaux, les enfants, les perles et les rires, les chevaux et le chien. Tout se massacre et tout arrive, je suis à nouveau, je suis à construction, je suis sur le chantier et palpe chaque pierre et taille tous les regrets et lime tous les remords. J’avance pour eux tous, je regarde la rive, ils n’avancent pas droit, ils se tournent, ils succombent. Le temps a dévasté l’espérance et la joie et je ronge et je racle et j’enfonce et je brise l’amertume, le remord et je cherche la joie et je cherche la soif et je trouve, sans rien, la chaleur sur le chemin, le pied est raclé, le pied est frotté et efface la trace et déroule le plan.

Pour qui chanterait-il, et dans quelle langue et s’il osait dire : je chante pour moi, osera-t-il, osera-t-il embrasser, ce bouquet et le tendre et le donner et les autres sauront-ils le saisir et l’entendre. Il espère un simple message révélé, une évidence venue d’en haut, les uns, les autres comme soi-même, éclatés et tordus, désespérés, refendus, tendus, défroissés, décomposés, décolorés, il s’achemine vers le blanc, il s’achemine vers le noir, il s’achemine vers le gris et tout disparaît, plus de guerre, plus d’alarme, plus d’outrage plus de remord. Mille regrets perdus, mille regrets noyés et les oiseaux passent et les insectes se posent, il foule les fleurs bleues, il foule les fleurs roses. En avance tendu, en avance repris, il calcule le point, le temps est attendu, le temps est suspendu, il se révèle et recommence, la boucle se boucle et le tourbillon tourne, il passe sans trembler sur les herbes foulées, il entend le chemin, il entend la route, il entend le fond de la terre, il voit remonter le doute, il doit immoler la peur, il voit couler la ferveur, il voit le sol engendrer et il voit refluer l’inutile. Il vide le sac du vent et remplit la certitude, les mots sont neutres, les mots sont blancs, ils coulent et font rire les enfants.

Sur le chemin tendu, sur le chemin frappé, il glisse sur ses pieds et vole dans les airs.

29 Juillet 2008.

1 commentaire:

  1. Épuisés, ses rêves sont en équilibre sur le fil. Alors, il remonte la pendule du cœur, et écoute la chanson du vent qui frise la peau de l'océan.

    Il est l'unique, le survivant, "il glisse sur ses pieds et vole dans les airs".

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