mercredi 21 novembre 2018

Un prince revenu, foule son royaume.

D’un pont à l’autre, d’un temps à l’autre, du rien au tout, l’oiseau passe, l’oiseau, d’un arbre à l’autre. Des herbes et des fleurs et le vent pour arracher, pour fendre, pour ouvrir les bras et tendre vers l’éternité.

Il souffle de l’herbe, il étend de l’aurore, il répand de l’éternité, il enfante du rien, et gonfle et s’éprend et tourmente et tourne sur lui-même et recommence, il recommence encore et file sur la route et glisse entre ses doigts l’air et le temps, l’air et le vent.

Il a perdu le compte, il a perdu le temps, il a perdu, il avance, il regarde, il cherche et toujours sous son pied les cailloux roulent. D’une affaire à l’autre, d’un pont à l’autre, d’une rive à l’autre, il avance, il cherche.

Un moment de soleil, un moment de vertu, un moment de chaleur, comme un temps qui est pas, un pas, un moment de chaleur, un moment de vertu, la route en se donnant déroule des arcades, les cigales chantent, le vent sous le pied et dans les yeux un moment de chaleur, un rayon de vertu, une escalade de joie, la beauté sombre, un renouveau et l’ardeur, une litanie : un prince revenu foule son royaume.

Au soleil, au suivant, il écrase les herbes, il foule la chaleur et remonte vers l’eau et remonte dans l’air et songe sans rien faire et songe à la chaleur, au rang perdu et songe aux mots, un mot après l’autre et les phrases et le temps et le choc et la roue, il arrache un à une les exemples et la gloire, et il sanglote, il sanglote, il avance et il dit.

Sur le retrait, sur la peau arrachée, tendu il cherche et se lamente et combat à nouveau, combat la juste cause. A corps perdu, à corps rampant, il avance, il foule les herbes, il foule le temps, il avance, il foule, il court, il est neutre, il court, rien n’avance et rien ne le perd, il est là, paisible, posé sur le sol, sur le chemin, bien.

Le soleil est en haut, la terre est en bas, il avance, il regarde le nord, l’est à sa droite, l’ouest à sa gauche, le sud derrière. Le sud est derrière et il se tourne à l’est, il se tourne, le nord est à sa gauche, le sud à sa droite, l’ouest est derrière, il regarde l’est, il avance, il est posé, il est paisible, et il est neutre, il attend, il attend quoi, il attend et rien, à venir, à dire, à faire.

Le temps passé, le temps passe, il est neutre, il attend, il ne sait ce qu’il attend, il attend, le temps passe, il attend, le temps est passé, il attend l’heure de venir, il attend l’heure de partir, il attend l’heure d’engranger, l’heure de sonner, l’heure de vivre, l’heure de mourir, il revient encore, il force le temps, il attend le temps, il force le temps, il revient, il avance, il foule l’herbe, le soleil est haut, il fait jour et il fait beau.

Il souffle et il tire d’une branche à l’autre, il souffle et il tire, il recommence, un mot après l’autre, il pèse le temps, il est neutre, il est sans eau, sans armes, sans couleurs, sans bagages, rien. Il attend.

Le sol est en bas, la terre est en haut, il attend, une main le touche, une main le prend, un temps recommence, un souvenir l’achève, un destin l’apaise, une voie ouverte, vers la joie, il recommence, il définit et il avance. Il est neutre, il attend, mais n’ose espérer, il attend, déjà comblé, il attend, il ne sait plus.

Il attend la construction, il souhaite l’explosion, il avance, et sans rien il construit, il avance, il pose pierre à pierre, au champ fraîchement retourné il pose une pierre, une autre, l’édifice monte, la construction s’en va, il recommence. Il attend et ne désire rien, il espère et il tourne, le cercle, la boucle se serre, le temps est lavé, le temps est passé, il est neutre, il attend et le temps passe.

Aux vagues les oiseaux, au temps les voluptés, aux rumeurs les regrets, aux réponses les sanglots, au rien ce qui finit, au tout ce qui commence, il ferme le cercle, il replie son bagage, il avance, il teint de rouge, l’espérance, la peau et les sanglots.

Il enfonce le clou, il enfonce la dague, le sol est martelé, le ciel est outragé, il est pillé d’oiseaux, il est foulé d’entrailles, il a dit : je suis offensé et ne pardonnerai pas, c’est pour la vie, à la mort, il a dit je suis outragé et ne céderai pas, c’est pour la vie et n’oublierai jamais.

Il faut déposer sur un ombre une touche de lumière, un grain de raison pure, un bijou de candeur, une saveur, une rature de peau, sans souffrance, peau abordée. Un grand soupir, un grand frisson cabriole dans l’air : un trésor retrouvé, un frisson perdu déracine la voix et découvre l’espérance.

Sur une tour, sur un pont il contemple le monde et crie, et crie au verbe haut, et crie au retour, au lumineux flambeau, à la gloire immortelle, au retour des géants, à la fin, au silence retenu, au silence, aux lèvres qui frissonnent, au cœur qui renouvelle et palpite dans l’ombre et frémit sous le doigt et caresse en silence les heures et les ombres.

La vie étreint le vent, le silence est pur, le radeau dans l’air éclaire le parcours, il avance, il frémit, il chante, il rit, il pleure, il compte les oiseaux, il redresse les fleurs.

Il est blessé à vie et revend sa vertu, reprend ses talents et tourne sa gloire, il avance en pleurant et cherche une victoire et retrousse le vent et charge sur son dos le poids de la bête endormie. Le pont est retourné, le poids est retrouvé, il avance et cherche dans les nuages le fil du temps perdu, le retour des enfances, la gloire ensanglantée, le bien et l’espérance. Les oiseaux passent et passent, les bateaux avancent, les jours sont foulés, l’herbe est écrasée, il avance et il voit le pont et l’espérance.

Les envies, les alarmes, les chemins tracés, les papillons dansent, l’herbe est foulée, il faut recommencer, il faut attendre, il faut donner, il faut reprendre.

Pleure, tombe, il avance, il est repris, il retrouve le pont, il avance et foule son royaume.

21 Juillet 2008.

1 commentaire:

  1. Que cherche-t-il qu’il n’ait déjà ?
    Il cherche sans fin cette chose enfouie en lui et qu’il ne voit pas, ou ne veut pas voir.

    Il dit qu'il est bien temps de faire place aux ombres sans blason. Ces ombres que nous sommes et ces heures sans ombre, augure sans rancœur pour que s’ouvre le chemin qui conduit vers les songes.

    Rien ne vient, le reste, le rien, l'absence, même pas une carence, un poids sur le chemin, désert, lui seul, un petit point dans le matin, une poussière à l’horizon, à peine une escarbille, à peine un son de presque rien.

    Il a le temps, le temps de l’attente et de l’antan. Le temps de l’entente, alors il attend et il entend passer le temps.

    Il attend, il entend, il est content et il construit ce presque rien avec du rien. Il se retourne de temps en temps. Pour le désir et l'espérance il a le temps, il a le temps.

    L’air, l’étreint, et rien ne vient, et son pied s’engourdit dans l’âpreté du monde. Il chavire, il respire et se frictionne de terre, et saute sur un pied de rocher en rocher, de silence en silence, pour que de l’ombre naisse l’attente d’un autre jour.

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