mercredi 7 novembre 2018

Sous le pied.

Ils se regardent et ne voient rien, ni venir, ni partir, et composent ensemble une saison pour rien, pour tout, pour ne plus trembler, pour ne plus rien dire, pour ne pas faire, pour être sur terre, exister et sans penser. Ils affrontent la rive et ils cherchent le premier, le venu, celui qui entendra et celui qui éteignant dira, ici l’herbe respire, ici des chevaux avancent et raclent l’eau du bout du sabot, ils entendent et boivent une à une les gouttes, l’eau salée, les yeux baissés, coulent, l’air est vif, la bouche ouverte, les lèvres effleurent l’eau et les yeux coulent, l’air est vif. Ils se murmurent aux oreilles, ils comptent leurs oreilles et ils se serrent sur la vie, sur le banc, ensemble ils s’épanchent et frottent les lèvres dans l’eau, de sel et de frissons mêlée, de sable et de soleil et d’harmonie mêlée.

Ils tirent droit et labourent, les roseaux et le sel et le sable, ils se creusent les lèvres et le flanc et les genoux s’arrachent, en harmonie ils tirent le même soc, il tracent un sillon, chevaux fourbus, chevaux mêlés et en partance, ils s’effraient d’une mouche et d’un fardeau, ils plongent dans le temps et respirent le flot, les gouttes sur le front la tête ronde et l’air marin, l’air d’y penser, l’air en peu de chose, un ouragan de sel et d’eau, une passion de lèvres closes, de mots arrachés loin des regards, loin des horreurs, ils tirent et conservent la même allure, le même pied, ils arrachent à l’eau le poids du monde, le regard clair, les flancs serrés, en harmonie en course sage, en hésitations et vengeances, en illusions et cris joyeux. Ils tirent la même charge, le poids des ans, la renommée, le coq perdu la nuit chante à l’aube.

Les yeux frottent la grève, sur la rive du monde et du chaos, ils effleurent la même surface, les mêmes coquillages, ils désirent la mer et raclent les cailloux sur le dos, sur les mains, sur les flancs serrés et fourbus et pressés de rage et d’incrédulité. Ils sont liés au même tronc, ils tirent, tracent un sillon, un sillon, une éternité pour la gloire, des parallèles infinies et croisées au bord du rivage, l’eau est salée, les yeux y pleurent et ils tracent tout droit vers le soleil. Ils sont frottés d’or et d’écume et se disent en pensant aux uns, aux autres, à l’infini, ils pensent et recommencent et arrachent au poids des eaux une étincelle, sur l’eau claire, un éclat sous les genoux forts, un silence sous les paupières. L’air est vif, l’eau est froide, les cailloux tranchent les genoux. Sous le pied ils glissent des rêves d’or et d’argent.

Ils y pensent, en se fuyant, en allant droit sans se lâcher, sans se toucher et ils tracent la route droite, le cœur chargé, poids des âges, saisons accumulées. Le travail est immense, la mer est calme, le ciel est bleu et le monde se porte tiède et frémissant et poings serrés sur les flancs fermes, sur la beauté, sur l’espace entre les vides, sur le regard, sur l’innocence, sur l’abandon et la rudesse, les yeux ouverts, le nez levé, ils se regardent dans le vide, dans les nuages dans le pas qui troue le sable et les vagues. Ils ne se perdront pas, ils respirent et recommencent et le fardeau est lourd, la mer calme est immense, ils labourent l’eau et le vent et construisent des cathédrales de remous sous le pied, du sel au fond de l’œil, du sable sous la langue ils coulent d’eau et sueur et ils avancent sur la plage.

Sous le pied sur le sol ils enfoncent des rêves étranges, d’or et d’argent et de parfums sur le silence. Ils quittent le temps calme, ils enfoncent les pieds dans l’eau, ils espèrent et commencent une enfance sur le chemin, ils tracent droit et se rejoignent.

14 Avril 2008.

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