vendredi 18 janvier 2019

Il fait un froid.



Il glisse dans le chaud, il coule sur le rêve, il enjambe le temps et découd l’avenir, il est d’azur et d’ombre et de fortune pleine, il entend sur l’eau claire la barque et le repos, il ferme sur l’arrière la grandeur et la gloire, il carillonne enfin le temple et le malheur, il est sur le coté, il est sur le devant.

Il défait et déploie les ombres et les gens, il est sur le départ, il est sur l’arrivée, il est dans la complétude et la certitude, le rien et le dire.

Il fait un froid et les cheveux si courts si bêtes et si noirs, si noirs, il est repenti, il tire toujours la même corde, il se défile et il entreprend une escalade, une marmite de mots inconnus et sans attraits, il se ferme, il hésite, le monde est à chanter, pour qui, pourquoi, il défait un à un les pétales des roses.

Il chante pour lui seul, il s’est fait roi, prince et empereur du domaine d’un pharaon, du cirque d’un émir, du temple d’un ascète, il est sur sa colonne.

Il est le seul de son culte et il chante pour un peuple qui ignore, pour des incultes effrayés, qui se bercent en fêtes et en cris, toujours devant, toujours devant, sans rien sentir, sans rien dire, sans rien entendre que l’essentiel de la vie, il fait beau, le soleil brille, les animaux vont passer par ici et nous les attendrons par là.

Il se tord, planché sur ses clous, il se démonte et il retend toujours invisible, le voile du temple, bleu, si bleu.

La vie est calme et simple et ils osent dire tranquille, il y manque certainement quelque chose, il y faut encore des courtisans étalés, des pleureuses sur un banc pour dire, il est parti, il est mort, il était le premier, il était le plus grand, le premier, il arrive, il est là, il parait : « Oreste, viens ici et me compte de ta vie, le trouble extrême ».

La saison est fraîche, les costumes ternissent, il est sur un rocher et contemple l’ampleur de sa colère, le fracas de ses cris. Ses sœurs l’ont épargné, il tonne, il résonne, ils sont accumulés les rires amers, les peurs irraisonnées. Il est sur le devant, il parcourt sa contrée.

Prêtre d’un vaste empire, prophète d’un seul but, il arrache des sourires, il impose la joie, il tire sur l’eau claire sa barque de carême.

Il défait les gerbes funèbres, fleur à fleur, pli à pli, seul à seul, il est ignoré du peuple et il chante sur son rocher, sur le haut de sa colonne, lune désirable argent, le rivage, il est temps d’espérer, il est temps de craindre Dieu et de craindre la mort, la sagesse vaut ce prix. Il est temps de savoir, il est temps de convaincre.

Il est sur un berceau de pierres et de fruits, il est offrande même, il est sur son rocher pour les corbeaux, pour les passants insoumis.

Il chante de la lune et il décore d’argent ce beau métal, il noircit sur sa peau, il brille faiblement, il est tendu et chante, et il s’est proclamé seul roi, seul empereur, seul guide, seul soutien d’un espace sans peuple, les conteurs sont tombés, leur nation est morte, les aveugles se pendent au bras chargés déjà de ciel et de fleurs.

Il est roi, il est roi et il se renouvelle seul, seul, il est entré dans les nuages, dans le ciel et d’azur et d’or pur et rouge surpris, il est enfin chez lui, son règne est établi.

18 Juillet 2009.

1 commentaire:

  1. Il est bercé par un chant venu de très loin. Dans cette béatitude, il ne craint pas le froid. Ce froid qui mord et pince sa peau si tendre, si douce, sa peau de satin et pétale de rose. Dans cette froide journée de pluie et de crachin, il entonne ce chant lointain, ce chant de roi venu d’un temps ancien, d’avant le monde, d’avant le commencement.

    Il écoute à travers le petit jour si froid les obus s'envoler comme l'amour lui-même.*




    * Et j’écoute à travers le petit jour si froid
    Les obus s’envoler comme l’amour lui-même
    G. Apollinaire

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