mercredi 9 janvier 2019

Ils ouvrent un infini.

Une peine, une certitude, le port est loin encore, la vie avance à peine, les images entrouvrent l’espace, le temps au temps se mêle, les rires, les affrontements durent dans le vent, ils se donnent et ils se prennent au champ, à la crête. Sur le plat les marcheurs tournent, ils jacassent et pépient, le vent souffle inexorablement, le froid revient, le soleil bourdonne. Ils sont unis, ils se parlent, ils ordonnent le monde et ils grattent les douleurs, ils s’obstinent, ils se donnent aux erreurs, ils se confirment et s’emparent du tout venant, des fautes et des chants, ils rient.

Ils ignorent, ils confirment leur présence, le sol est martelé, le temps est suspendu à leurs pas, à leurs pas, ils aiment et tremblent, ils finissent les phrases et les chansons, ils se recommandent à Dieu, aux autres, à l’ardeur terrible, au cœur en flamme. La bouche tordue, ils cherchent et le souffle et la vie, ils se limitent et ils se disent, ils inventent encore, ils commencent et ils ouvrent un infini.

Ils sont au monde, sur le plat, sur la crête, ils marcheront, ils ouvriront bien des portes, ils franchiront bien des grilles et tourneront autour des bornes, autour des arbres et poseront la main sur l’écorce striée, sur le rugueux, sur la griffure, sur le bois noirci et gercé, sur la coupe ferme de la hache : les outils ravagent. Ils sont perdus d’efforts à tenter : réussir à mordre et abattre.

Ils se souviennent : bûcheron arrête un peu ton bras, les cœurs comme des cercueils qu’on empile ne seront qu’un bloc rouge et glacé. Ils se souviennent, ils murmurent l’effroi, les toits écroulés, les tuiles disjointes, les horizons perdus, la mer noircie, les pieds gelés, ils avanceront, la crête est dure, les dents crispées, ils cherchent et l’air et la vie, le lointain recule, l’horizon fuit, ils avancent, ils espèrent et murmurent un sourire perdu, une raison folle, dégrafée, lacérée, ces âmes écorchées, ces soupçons de vie, de raison perdue, d’innocence abîmée.

Ils étaient partis joyeux, en avant, la crête est proche, le rire s’est figé, la peur a accroché, ils grimacent et cherchent l’air et la vie, ils avalent la poussière, ils griffent le sol. Ils sont perdus, ils se noient dans l’erreur, ils s’agacent de tout et les insectes suivent leur odeur. Ils sont, ils sont et ils devinent, les mots alourdissent le sac, les bâtons tordus déchirent la main, le cœur, ils font du bruit avec les lèvres, ils chantent mal, ils marchent et titubent, ils sont aveugles et ils ont mal. Ils ont mal, ils sont défigurés, ils sont perdus, la vie est dure. Une peine, une certitude, le port est loin encore, le calme viendra bien, mais loin, bien loin encore.

29 Avril 2009.

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