vendredi 25 janvier 2019

Un mot, un autre.

Fauche du blé, fauche du temps, perds-toi et recommence et mords sur le tard, achève sur le remblai, déchausse ton pied et racle la peau morte, délace le vert au sommet, coupe la corde nue, avale le revers et brosse la médaille. Ils sont à inventer les riches, les enflés, les trop pleins d'orgueil et de bien être, ils sont à suivre et à compter. Il te faut voir et chercher et comprendre, pour retenir la graine, pour effacer les torts, pour affiner le jour et rendre grâce encore et dompter l'imprévu. Il te regarde et luit, il te reprend et compte, il est si ombrageux, il est si éreintant, il est sur la terre si basse et incroyable, il accumule et tord, la bouche et les chiffres, les mots sont suspendus aux cris sur le rocher, il est à faire entendre : l'avenir, l'avenir, l'avenir en marche.

Oh, le visage est lourd, oh, la peur est tenace, ils se comprennent à peine, ils se serrent sur rien, ils tirent sur le dos, ils chantent encore et loin, loin, au loin, leur verbe est ensablé, la crainte les surprend, ils sont un, ils sont mille et surtout, ils allongent le pas et la fureur, ils dévorent et entendent : la vie est bien trop dure, le calme épouvantable. Il tourne sur lui-même, il refend les cailloux. Il est enfoncé dans le sable, il est sur terre et sur l'eau, il ferme chaque phrase d'un mot qui éclabousse, de rage et de mépris, il se retourne et dresse au ciel le cou et tourne pour lui seul une phrase sur l'autre. Il est passé du paysage à la vertu, du rien qui s'accumule au grand ensorcellement. La crainte, le sanglot, la vue, il est brouillé sur, il se tord sur le feu.

Il s'étend sous l'eau claire, il est un mélange en fureur, il est vague et rocher et tourne, tourne sur la rive, les oiseaux ne le voient plus, ils ne donnent rien encore, ils sont perdus au ciel, ils sont arrachés à l'effort, leur calme est suspendu, il ne veulent rien dire encore, il est outrage et confusion et se perd sous les ailes, les branches emmêlées, les plumes arrachées, ils tournent au ciel, craintifs, ils débusquent le cœur et l'âme, la confusion est si grande, le teint est royal, il déborde, la vie en ce partage est pleine de fureur, ils sont perdus au loin, ils sont ciel sous l'orage, le manque et la soif et les plumes goutte à goutte, le calme ne vient pas, ils tournent et se rebutent, ils sont inquiets et las et grands parmi les morts. Au loin ils entendent un claquement.

Des toiles sur les hampes, ils sont aveugles et sourds, ils sont perdus et rien encore, la crainte, le remord, le pied perdu, délacé et crispé et calé sur le sable, le visage souffre la crainte incontournable, ils sont perdus, ils y vont, ils seront noyés et incapables de trouver un chemin, de tracer un sillon, ils ont fauché et blé et orge, le champ est dévasté, la confusion extrême : oh, perds-toi et recommence.

Tu entends une voix qui souffle le martyre, tu tiens entre tes doigts la clarté et l'envie, ce trésor est tendu, les doigts en crochet sur une guenille, tu avances sans cesse et tu tiens le retour, parmi les morts, parmi les gueux, les malades et les sourds. Un mot, un autre, une phrase, un sanglot : oh, tu perds pied, tu te perds à la rive, le temps est trop serré, un mot, un autre, un autre, encore.

L'eau coule entre les doigts, tu fais le chemin seul et tu tords le cou vers l'âme, vers le remord, le temps perdu, la confusion extrême. Oh adieu, adieu, éloigne le soleil, éloigne l'orgueil fou, déclare le néant, décompte les outrages. Ils ont encore gagné, les horribles, les infâmes. Les plumes arrachées, les blés perdus, ils tournent sur eux même et tu comptes leurs outrages.

27 Juillet 2009.

1 commentaire:

  1. Il tourne et se retourne, commence et recommence cette ligne sans fin. Il pose un mot et un autre, les assemble, les arrange, les griffe, les accroche, les fend et les refend. Les mots se décrochent, s'égarent, glissent et disparaissent pour reparaître enfin. Alors il se dit qu'il a grand faim, car tout cela dure depuis longtemps, dans ce silence de pierre si dur qu’il fend et refend inlassablement.

    Il perd et recommence. Un ruban flotte rouge et disperse les mots qui se perdent au vent sans crainte, sans remords. Le pied glisse sur le sable, l’œil se pose sur l’horizon d’où les mots libérés jaillissent vers l’aurore.

    Le soleil est perdu dans la gorge du temps, il s’est brisé le cou et il a rendu l’âme. Le remord est immense sous le coût des outrages et l’absence de pain.

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