mardi 15 janvier 2019

Je figure et ils entendent.


Que ma voix s’élève jusqu’à toi, étend ta main, étend et de ta main, verse de la fontaine, verse de l’eau, figure sur le ciel, un espace, le clair velouté, la certitude commande et je réponds, réponds, à ton seul nom. Il faut franchir les grilles, il faut sauter sur l’eau à deux pieds joints, il faut unir les forces et les ardeurs, et comprendre pour qui le monde a changé. Ils se mordent, ils s’ensanglantent, ils défont d’un regard le triste nom, le bien parfait et tendre. La révélation, le courage, l’abandon, ils supplient et implorent : que ma voix tremblante s’élève jusqu’à toi.

J’entends encore un écho, un soupçon, il murmure et implore : reviens, reviens, verse de l’eau sur ma main, sur mon cœur, sur le pied fatigué, sur l’étrange beauté d’incertitudes et de poisons. Ils défont le monde où j’ai grandi, ils défont et déchirent les mots gravés par nos cœurs sur le rocher, tracés sur le sable, la vague immense nous recouvre, ils ont franchi les grilles. Oh, reste et souviens toi, ils étaient si pâles et si faibles, les enragés du jour, les échappés de rien, ils ferment et encerclent et donnent aux frissons des souffles d’amertume, des airs de compassion.

Où donc est la fureur, où sont les plaintes, ils entendent au loin les cris et les horreurs, le jour est revenu, ils se placent sur terre, ils défont le bonheur, ils griffent l’impatience, la stupeur est entrée dans les yeux des petits, ils arrachent autour d’eux les restes d’herbes fines et sèches, l’odeur en est perdue, le cœur évanoui, ils ont meurtri mes sens, ils ont giflé l’espace, le reste est retenu, le reste est en balance, ils finissent, ils chuintent, ils crachent sur le temps, ils ont perdu mon goût et ma sensibilité. J’enrage et recommence et chante un seul nom, le monde est revenu.

Aux méchants, les gentils agonisent, ils sont à arracher les feuilles aux branches qui restent, ils dérobent tout un les cœurs et les cailloux, ils déplument les oiseaux au ciel même, ils ont recommencé, la guerre est déclarée, le massacre est bien proche, ils se reconnaissent et donnent aux heureux des coups de pied bien bas, des terreurs, des offenses, ils se perdent en l’air et comptent sur le tas le sable à enfouir dans la fosse. Oh reviens et calme, calme, et cerne le temps et perce les orages, ils sont en fureur, ils sont à écharper, ils étrillent et dansent sur le corps mal compris, bien mal donné.

Ce corps toujours perdu et tendre, tendre. Ils envahissent le lointain, ils ébouriffent le sentier, ils sont sur le malheur et chauffent, chauffent, les pieds trop secs et labourés, percés, les cailloux rentrent dans le soulier, le pied est en malheur, le sol est redoutable, ils se promènent et haïssent le temps et l’espace. A peine éclos, déjà tuant, ils éclaboussent la raison, ils salissent les âmes, ils ont gagné, ils perdent leur refuge, ils brouillent les repères, les bornes sont tombées. Sur le rebord de la fontaine, verse de l’eau et, figure au ciel, nous reviendrons un soir et chanterons tranquilles.

15 Juillet 2009.

1 commentaire:

  1. Un doigt sur ses lèvres elle tire un fil de soie, et du bout de ses doigts joue un air ancien. Elle se glisse sur la paille et caresse de sa main le corps ensanglanté du jeune soldat tombé. Elle lui chante le soleil, et le sable si fin, le temps de son enfance où ses joues étaient tendres. Alors, dans un bain de douceur il s’endort tranquillement et rejoint les étoiles, là-bas, dans la nuit sage.

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